Texte : Sebastien MorandPhotos : Thomas Chatton, Sébastien Gisel

Pas besoin de rappeler le côté intemporel de l’auto qui nous intéresse aujourd’hui, une Porsche 911 en est l’illustration parfaite. Nous avons pris le volant d’un modèle un peu particulier. Certes, il est classique puisqu’il s’agit de la toute première mouture de la 911 avec un empattement court (1964 à 1968) mais notre exemplaire a subi très récemment une cure de jouvence pour participer à la série monotype organisée par Peter Auto, la 2.0L Cup.

En attendant de vous proposer, on l’espère, des essais de certaines Porsche fantasmagoriques telles la 930 Turbo, le 959 ou la Carrera GT, partons pour une balade endiablée avec cette 911 2.0 Cup de 1966 qui demande qu’à faire chanter, pour ne pas dire hurler, son Flat-6.

Au premier coup d’œil, nous avons là une banale 911 grise. Avec une telle introduction, j’entends déjà hurler les fans de la marque. Ma foi, vous me connaissez, il faut bien que je les titille un peu. Qu’ils se rassurent, même sans être un grand adepte de la marque, je suis parfaitement capable de relever l’excellence du produit et sa longévité légendaire.

Cette toute première 911, type 901 pour être précis, a vu le jour en 1963 lors de sa présentation au Salon de Francfort. La production a commencé dès l’année suivante. Au début, sa mécanique devenue référence, un 6 cylindres à plat, de 1’991 cm3 pour cette première mouture, développe 130 ch. Dès 1966, la déclinaison 2.0 S voit le jour avec une puissance qui passe à 160 ch. On verra dans un moment que notre voiture d’essai dispose de quelques canassons supplémentaires.

Au fait, j’imagine que vous savez que l’iconique allemande aurait dû s’appeler 901 ? Mais comme Peugeot avait déposé un brevet pour tous les noms de modèles composés de trois chiffres avec un « 0 » au milieu, la maison de Zuffenhausen a finalement opté pour le patronyme 911, en gardant le 901 comme identifiant pour cette première génération.

Les déclinaisons « Short Wheelbase », comme celle qui nous intéresse aujourd’hui ont été produites jusqu’en 1968 et cette particularité confère à la 911 un comportement plus vif mais aussi plus piégeux. Il s’est produit un peu moins de 1’500 exemplaires avant que les ingénieurs rallongent les bras oscillants de suspension, permettant d’augmenter l’empattement de 57 mm (2’211 mm contre 2’268 mm). Ainsi la stabilité a été améliorée en réduisant le poids à l’arrière. Notons qu’ensuite, la conception du châssis est restée quasiment identique jusqu’en 1986 sur les 911 type G. Mais avant cela, cette base « 901 » bien évidemment servi en 1972 à la 911 Carrera RS 2.7 dont vous avions proposé un essai complet il y a deux ans.

Parlons brièvement de ce qui a motivé l’actuel propriétaire à transformer sa vieille grand-mère en une véritable bête de course. C’est en 2018 que les Britanniques Lee Maxted-Page et James Turner (Sports Purpose), de concert avec Peter Auto, le fameux organisateur de courses historiques tels que le Mans Classic et le Tour Auto, ont l’idée de créer un championnat monotype. Ce dernier, appelé 2.0L Cup, est réservé aux Porsche 911 2 litres châssis court conformes au règlement FIA pré-1966. Cette année, il comporte cinq manches à travers l’Europe sur des circuits de renom : Mugello Classic, Spa-Classic, Grand Prix de l’Age d’Or à Dijon, Dix Mille Tours au Paul Ricard et Estoril Classics.

Avec des autos quasiment toutes identiques, le spectacle est garanti et je ne peux que vous encourager à assister à l’une de ces compétitions. Elles débutent les 5-6-7 avril lors du Mugello Classic. Plus près de chez nous, ça sera les 7-8-9 juin au Grand Prix de l’Age d’Or sur le circuit de Dijon-Prenois. Sans que cela fasse partie des manches officielles, j’ai pu le découvrir de mes propres yeux lors du dernier Goodwood Revival où une course, le Fordwater Trophy, leur était réservée en hommage au 60ème anniversaire de la 911. Ça bataille fort et les pilotes n’hésitent pas à jouer des coudes, enfin des ailes pour le coup, dans leur lutte pour la victoire.

Pour répondre aux besoins de cette compétition, notre 911 a subi un traitement tout particulier, à commencer par un allégement drastique en éliminant tout le superflu. Plus de banquette arrière, plus de siège passager, l’habitacle ne comporte plus qu’un seul et unique baquet entouré d’une cage complète qui donne le ton. Au passage, les préparateurs ont remplacé les mécanismes d’ouverture des vitres par des simples sangles, dans l’esprit des lanières qui permettent d’ouvrir les portes depuis l’intérieur. Le chauffage est passé à la trappe. L’isolation intérieure ayant également disparu, je vous laisse imaginer l’ambiance en roulant tard le soir par une froide nuit de février.

Autre changement, le 6 cylindres 2.0, équipé de carburateur Solex type 40, a été gonflé aux amphétamines pour développer 195 ch pour un couple d’environ 200 Nm. Il y a apparemment moyen d’obtenir encore un peu plus mais déjà comme cela, l’auto procure de sacrées sensations. Sans compter qu’elle pèse à peine plus de 1’000 kg !

Les suspensions, le système de freinage ou l’échappement ont aussi été travaillés. Malgré ces multiples modifications, notre 911 2.0 Cup est autorisée à rouler sur la route et elle dispose d’une immatriculation française parfaitement en règle, ainsi qu’un passeport technique historique (PTH). Vous l’aurez compris, ce n’est pas une simple 911 ancienne mais bel et bien d’une sacrée pistarde qui ne demande qu’à en découdre sur l’asphalte d’un circuit. D’ailleurs, mon grand regret est de ne pas pouvoir l’y emmener et de me contenter de l’essayer sur routes ouvertes. Enfin, je ne vais pas se plaindre non plus ; vu le poids contenu et le plaisir de la conduite des voitures classiques, l’expérience promet d’être intéressante.

Maintenant que le décor est planté, il est temps de rentrer dans le vif du sujet. Enfin, avant cela, il faut déjà rentrer dans la voiture et ce n’est pas une mince affaire. Tout comme en ressortir, puis faire quelques « dedans / dehors » à l’occasion de la séance photos. Vous vous serez surement rendu compte en regardant les images, avec un arceau complet, enfin disons carrément une cage, l’accès à bord est plutôt étriqué.

Correctement installé, il est temps de démarrer la bête. Le Flat-6 s’ébroue avec vigueur et sa musique envahi l’habitacle avec prestance. Autre effet de l’isolation réduite, la mécanique affirme sa présence de manière significative. Ce n’est pas vraiment pour me déplaire mais ça démontre le tempérament très sportif de cette auto ; pas vraiment adéquat pour aller chercher le pain le dimanche matin.

Dès les premiers tours de roue, je retrouve le feeling de conduite typique de la 911 avec une vivacité marquée. Pas de doute, avec son empattement court et tous les artifices de la mixture Cup, l’engin promet d’être vivant et implique de faire correctement connaissance avant de l’exploiter. Sans compter que je n’ai pas la prétention d’être un pilote et que la législation routière s’applique également à cette turbulente 911 ; je ne vais certainement pas atteindre les limites de l’auto.

Toutefois, grâce à des pneumatiques Avon très tendres et des réglages châssis affutés, dès que le tracé devient plus sinueux, un large sourire s’affiche sur mon visage sans même appliquer un rythme soutenu. C’est diablement excitant et on sent bien que notre petite allemande est collée au bitume. Les envolées du moteur sont directes et rapides, avec un agrément à bas régime légèrement chaotique, demandant de le solliciter vigoureusement. Sans compter qu’il aime ça et ne demande qu’à faire hurler ses cylindres. Je pense que si j’avais mis mon casque, j’aurais pu rapidement me croire en course et faire fi des limitations et autres règles de bonne conduite. Croyez-moi, sous ses airs de simple 911 grise, notre auto cache un caractère endiablé qui ne demande qu’à se dévoiler.

Légère et bien assez puissante, avec tout ce qu’il faut pour la rendre ultra précise, la balade se déroule à merveille. Certes dès qu’on doit rouler en agglomération, c’est un peu plus contraignant. Néanmoins, notre 911 ne rechigne pas et s’en sort bien du moment que ça ne dure pas trop longtemps et qu’elle peut ensuite s’exprimer librement.

Belle découverte d’une voiture parfaitement préparée pour arpenter les circuits, que ce soit au sein du championnat 2.0L Cup ou simplement pour son plaisir personnel lors de « trackdays » privés. Les plus courageux pourront même s’y rendre par la route mais je recommande plutôt d’avoir une remorque, ça sera plus confortable.

Sachez que cette 911 2.0 Cup est à vendre chez Sioux Automobiles et qu’elle n’a pas encore participé à une quelconque compétition même si elle n’attend que ça. Elle a toutefois déjà fait quelques tours de piste sur le circuit de Val de Vienne avec le pilote français Benoît Tréluyer qui l’a trouvé très amusante à piloter.

Nos remerciements à Sioux Automobiles à Genève pour la mise à disposition de cette Porsche 911 2.0 « Cup ».