Texte : Sebastien MorandPhotos : Claude-Alain Ferrière

Timeless Addict vous présente aujourd’hui une légende du monde des rallyes, la Lancia Delta HF Integrale. Qui ne connaît pas cette auto mythique, une italienne au look bien à elle, qui nous a fait rêver dans notre jeunesse, enfin pour ceux qui, comme moi, ont dépassé la quarantaine.

J’ai donc pris rendez-vous avec l’histoire en me mettant au volant de sa déclinaison la plus emblématique, la Delta HF Integrale « Evoluzione 2 », ou tout simplement « Evo 2 » pour les connaisseurs. Une auto brute et au charme fou.

Ce n’est pas la première auto des années 80/90 qu’on vous présente et c’est souvent en lien avec la compétition. Rappelez-vous nos articles sur la BMW M3 E30 ou la Ford Escort RS Cosworth. C’était une époque formidable où les voitures de Madame et Monsieur Tout-Le-Monde se transformaient en bêtes de course.

Une époque qui a clairement marqué mon adolescence. Je pense que mon père doit également se souvenir du nombre de fois où je lui ai suggéré d’opter pour l’une ou l’autre de ces autos. Ce qu’il avait fait en achetant un jour une Subaru Legacy Turbo mais c’est une autre histoire.

Avant de parler en détails de cette Delta HF Integrale produite entre 1987 et 1993, il convient de rappeler comment Lancia en est arrivé à décliner sa berline compacte lancée en 1979 en une auto de rallye.

Au milieu des années 80, le monde des rallyes s’est vu amputé d’une catégorie hallucinante, les Groupes B, dont les autos devenaient trop puissantes et donc trop dangereuses. Lancia participait alors au Championnat du monde des rallyes avec tout d’abord la 037, puis la Delta S4. J’espère d’ailleurs que nous aurons l’occasion de vous en parler un jour car le règlement du Groupe B imposait la production de 200 exemplaires minimum et il existe ainsi des versions « Stradale », pour la route donc.

Fin de la parenthèse : avec l’arrêt des Groupes B, c’est le Groupe A qui devient la catégorie phare du Championnat du monde des rallyes. Ce nouveau règlement de la FIA impose des voitures qui découlent d’un modèle de série produit à 5’000 exemplaires minimum. C’est dans ce contexte que Lancia a créé celle qui nous intéresse aujourd’hui.

A ses débuts en 1987, l’auto s’appelle Lancia Delta HF 4WD et remporte immédiatement le Monte Carlo ainsi que le Championnat du monde des rallyes la même année.

Ce sera d’ailleurs le début d’une grande série puisque le constructeur italien raflera six titres consécutifs entre 1987 et 1992 grâce au développement continu de cette Delta qui devient HF Integrale en 1988. Son volant accueille des pilotes légendaires tels que Miki Biasion, Juha Kankkunen, Carlos Sainz, Didier Auriol et j’en passe.

Logiquement, la voiture de série évolue en parallèle et après la HF Integrale « Evoluzione » (Evo 1) en 1991, c’est en 1993 qu’apparaît l’Evo 2, ultime déclinaison homologuée pour la route.

Avec sa carrosserie carrée et anguleuse signée Giugiaro, la Delta est reconnaissable au premier coup d’œil, surtout dans ses déclinaisons Integrale qui disposent d’ailes élargies. Je pense d’ailleurs que c’est la voiture qui m’a valu le plus de pouces levés ou de signes admiratifs pendant un essai.

C’est tout simplement impressionnant comme 30 ans après et alors qu’elle n’arbore pas une robe particulièrement extravagante, la Delta HF Integrale fait tourner les têtes. Difficile de dire que c’est une reine de beauté avec son physique assez brut mais je pense que la combinaison de nos souvenirs, de l’euphorie de ses succès en compétition et d’une bestialité à l’état pur lui donne un look et une âme tout simplement irrésistibles.

L’emblématique face avant, avec ses double optiques et ses différentes entrées d’air, renforce l’identité particulière de la Delta HF Integrale et permet de la repérer de loin car tout le monde ou presque est capable de l’identifier.

Notre voiture d’essai, une série limitée « Bianco Perlato » basée sur l’Evo 2 et produite à 365 unités, arbore une teinte blanc nacré du plus bel effet. Ça change du rouge ultra connu et surtout, ça fait ressortir les traits acérés de son dessin. Le propriétaire a fait quelques modifications esthétiques, comme les petites lignes aux couleurs Martini et les grosses jantes Speedline blanches, ainsi que d’autres moins flagrantes. Toutes sont réversibles, donc pas d’inquiétude à avoir pour les puristes.

De multiples versions spéciales ont été proposées par Lancia, la plus connue s’habillant bien évidemment des légendaires couleurs Martini. Pour ma part, je craque totalement sur les déclinaisons « Verde York » et « Giallo Ginestra », les passionnés sauront de quoi je parle.

L’intérieur est parfaitement dans l’esprit de l’époque. C’est relativement basique et avec un agencement vraiment peu sexy. Cependant, spécificité de notre édition « Bianco Perlato », notre auto bénéficie de magnifiques baquets Recaro habillés de cuir bleu. On retrouve également cette teinte sur le volant Momo, encore un signe distinctif de la période 80/90, les contre-portes, la moquette et le ciel de toit. Je trouve cela du plus bel effet et ça se marie bien avec la couleur de la carrosserie.

Pour le reste, que ça soit en matière de plastiques ou de finition, on ne tombe pas vraiment sous le charme mais ça correspond à ce qui se faisait à l’époque, en particulier chez les constructeurs italiens. Là aussi, le propriétaire a fait quelques changements, notamment le sélecteur de boite qui s’avère être une merveille à l’utilisation.

A l’inverse, comment ne pas succomber devant l’instrumentation Veglia Borletti dont les différents compteurs et jauges affichent leurs inscriptions en jaune. Pour ma part, je suis totalement fan et je ne me lasse pas de les admirer. C’est tellement plus beau que tous les trucs digitaux qu’on nous propose aujourd’hui !

Pour animer la version sportive de la Delta, la première version HF 4WD dispose d’un 4 cylindres 2.0 l turbo qui développe 165 ch pour 255 Nm. Au fil des déclinaisons, d’abord 8 soupapes puis 16, la puissance et le couple augmentent pour atteindre 215 ch et 314 Nm sur l’Evo 2 dont nous disposons pour notre essai. Enfin, celle-ci en a un petit peu plus mais chut, c’est aussi ça la magie des voitures italiennes.

La mécanique est couplée à une transmission manuelle à 5 rapports et, vous l’avez compris, à une transmission à 4 roues motrices. Depuis les versions Integrale 16V, la répartition passe à 47% sur l’avant et 53% sur l’arrière alors que sur les modèles précédents, c’était l’inverse, avec un ratio légèrement différent. Cela permet de rendre l’auto plus maniable et plus performante. Il fallait bien cela pour tenter de rivaliser avec la Ford Escort Cosworth.

Il est temps de prendre la route avec cette belle italienne. Dès les premiers instants, je me sens à l’aise et l’ambiance à bord me charme tel le chant des sirènes. Avantage d’une voiture pas trop ancienne, elle est relativement facile à prendre en main, sans compter que notre exemplaire est bichonné avec amour et qu’il fonctionne comme une horloge suisse, un régal.

Comme je le disais précédemment, le propriétaire a fait tout ce qu’il fallait pour rendre l’auto efficace, fiable et parfaitement utilisable au quotidien. Je pars en confiance et je peux constater que ça roule très bien. La relative brutalité de son look ne se retrouve pas dans sa conduite, en tout cas lorsqu’on roule à une allure raisonnable.

Après quelques kilomètres d’autoroute, je me dirige vers un tracé plus en adéquation avec la voiture. Peu de circulation et une belle météo, je peux augmenter le rythme et petit à petit découvrir le potentiel de cette HF Integrale. Rivée au sol grâce à une suspension ferme et ses 4 roues motrices, l’italienne avale les courbes à bon train, sans rechigner. Ça vire à plat et on ressent vraiment l’efficacité de la voiture. Pour certains, ça manque un peu de fun mais c’est difficile de le lui reprocher quand l’auto vise avant tout les performances.

Le sifflement du turbo qui charge est terriblement envoutant et, si à bas régime notre Delta peut sembler légèrement pataude, dès qu’il charge, ça pousse fort. Le compte-tours monte rapidement et le défilement du paysage s’accélère alors que l’auto passe d’une courbe à l’autre avec une cadence très excitante. L’expérience est véritablement jouissive, je n’ose pas vous dire combien de fois j’ai parcouru le Marchairuz pendant cet essai.

Cette Delta HF Integrale est vraiment à son aise en terrain sinueux où son agilité fait merveille. Les sensations sont au rendez-vous et plus ça tourne, plus ça lui convient. Pour moi aussi tant c’est plus fun que de simplement accélérer en ligne droite.

En prenant le volant de cette Lancia Delta HF Integrale « Evo 2 », j’ai réalisé un rêve tant cette auto a marqué mon adolescence. J’ai toujours voulu en avoir une mais les soucis de fiabilité et les tarifs complètement exorbitants depuis quelques années ont eu raison de ma passion. A noter que selon les spécialistes, il est aujourd’hui possible de largement fiabiliser la voiture. Par contre, ça devient très compliqué de trouver les pièces de manière générale, ce qui rend son entretien onéreux.

Ainsi, il faut vraiment être passionné pour rouler en Delta HF Integrale et peut-être que ce n’est pas un mal puisque ça renforce encore un peu plus son statut d’icône des rallyes.

Nos remerciements au Garage GTA à Plan-les-Ouates / Genève pour la mise à disposition de cette magnifique Lancia Delta HF Integrale « Evoluzione 2 ».