Texte : Sebastien MorandPhotos : Thomas Chatton

Ford et les voitures de rallyes, c’est une histoire d’amour. Avec les patronymes Escort et Sierra, je vous mets directement dans l’ambiance en évoquant un panel d’autos qui mélangent passion et performance.

Pour débuter, car il y en aura surement d’autres, nous allons prendre le volant d’une des plus récentes qui a quand même sa place sur Timeless Addict, la Ford Escort RS Cosworth.

Après les mythiques Escort RS de première et deuxième générations, qui sont encore très présentes en rallyes historiques de nos jours, Ford avait misé sur la Sierra pour perdurer en compétition. Tout d’abord en deux roues motrices, propulsion comme les Escort Mk1 et Mk2 et avec une carrosserie 3 portes, puis sous la forme d’une berline 4×4. Toutefois, pour régater face aux Toyota Celica 4WD et aux très performantes Lancia Delta Integrale, le constructeur à l’ovale bleu devait frapper fort s’il voulait rester dans la course du championnat du monde des rallyes.

C’est ainsi que vit le jour l’Escort RS Cosworth qui nous intéresse aujourd’hui, avec comme de coutume la réglementation FIA qui impose une production en série de minimum 2’500 exemplaires pour les autos destinées à être engagées en Groupe A. Ici, c’est un peu plus de 7’000 exemplaires, 7’145 pour être précis, qui seront produits entre 1992 et 1996. Eh oui, elle vient tout juste de fêter ses 30 ans, déjà !

Pour animer cette Escort RS Cosworth, Ford reprend le 4 cylindres 2.0 qui équipait déjà la Sierra du même nom. Au programme, un peu plus de 220 ch selon les versions. Pendant ses deux premières années de vie, la voiture dispose d’un plus gros turbo, lui conférant un caractère clairement orienté vers le sport automobile. Puis dès 1994, les ingénieurs le remplacent par un turbo plus petit qui offre plus d’homogénéité à l’ensemble lors d’une utilisation sur route ouverte.

Les puristes ne jurent que par la première mouture bien que selon les informations de l’époque et les fiches techniques, les performances soient quasiment identiques. Une puissance qui oscille entre 224 et 227 ch, pour un couple variant de 294 à 300 Nm. Sur le 0-100km, c’est un dixième de seconde, la plus performante réalisant 6.2 secondes. Je n’ai pas essayé la première et je ne peux donc véritablement juger mais je ne pense pas que le ressenti soit drastiquement différent, peut-être juste un peu plus de brutalité avec le gros turbo.

La transmission aux 4 roues se fait au travers d’une boite manuelle à 5 rapports et avec une répartition du couple prépondérante à 66% sur l’arrière. Plus compacte que la Sierra, il est bien clair que les sensations ne seront que meilleures, avec a priori une agilité accrue. Personnellement, mon cœur balance quand même en faveur de la Sierra, ça vient surement de mon attirance pour les berlines tricorps.

Justement pour parler de son look, l’Escort RS Cosworth représente parfaitement ce que les anglais appellent une « Hot Hatch ». Ce terme vient du nom « Hatchback » qui définit les berlines à hayon dans la langue de Shakespeare. En l’affublant de l’adjectif « Hot », nos amis britanniques définissent que la berline au style pas vraiment sportif dispose d’un tempérament qu’il l’est totalement.

Question de confirmer cet ADN athlétique, Ford a greffé un immense spoiler arrière à son Escort. Impossible de ne pas le remarquer, il n’a pas vocation à se la jouer discrète. Toutefois, lors de son arrivée sur nos routes, l’attribut en question n’était pas homologué en Suisse et on a pu découvrir cette Escort avec une robe un tantinet plus passe-partout. Cela correspond mieux à mes goûts mais je dois faire partie des rares exceptions car bon nombre de propriétaires transgressaient la loi et faisait installer l’aileron par après. A noter que depuis – et c’est le cas sur notre voiture d’essai – des versions homologuées de ce spoiler, au dessin un peu différent, ont été proposés par des fabricants tiers.

Indépendamment de ce gigantesque aileron arrière – ou devrais-je l’appeler « empennage » comme sur les avions – l’Escort RS Cosworth se caractérise également par des ailes fortement bodybuildées. C’était la mode à l’époque, à l’instar d’une BMW M3 E30, dont nous vous proposeront l’essai complet prochainement, ou d’une Lancia Delta Integrale. Sur notre Ford c’est associé à une carrosserie très ronde dans son ensemble. Cela lui donne un air boursouflé qui a pour effet de la rendre assez amusante et gentillette. Mais croyez-moi, notre Escort cache bien son jeu. On peut encore remarquer un imposant bouclier avant et des extracteurs d’air sur le capot moteur.

L’œil non averti pourrait voir en cette Escort RS Cosworth une simple auto qui a subi les ravages du tuning mais les passionnés ne se tromperont pas. D’ailleurs, j’ai bien remarqué les têtes qui se tournent pendant mon essai.

Lorsqu’on parle de l’Escort RS Cosworth, on tous l’image d’une auto bleu foncé et il est vrai que la grande partie ont été produites dans différentes teintes de bleu, ainsi qu’un vert foncé qui tirait vers le bleu. Il y a également eu pas mal d’autos blanches mais souvent affublées d’autocollants en lien avec la compétition, ainsi que quelques rouges.

C’est donc d’autant plus plaisant de disposer d’une voiture jaune pour notre essai, tant il est rare de la voir dans ce coloris ! Question d’être précis, la teinte de notre Escort s’appelle « Zinc Yellow » et il n’y a eu apparemment que 18 exemplaires habillés de la sorte. Bien évidemment, cela rend la voiture encore plus voyante et pour pimenter encore un peu plus son style, notre Escort dispose de phares double optiques qui viennent des modèles de rallye.

Cette configuration particulière a un sens puisqu’elle avait été commandée spécifiquement par son premier propriétaire, un certain Christian Jaquillard. Ce dernier l’a fait suite à son titre de Champion de Suisse des Rallyes en 1994, remporté bien évidemment au volant d’une Escort RS Cosworth Groupe A de couleur jaune également. A noter encore que la voiture n’a eu que deux propriétaires à ce jour et qu’elle affiche moins de 40’000 km au compteur, c’est génial. Elle a aussi été conservée dans son état d’origine, sans aucune préparation, ce qui est suffisamment rare pour le préciser.

Au moment de s’installer à bord de cette Escort RS Cosworth, je constate que l’ambiance de son habitacle est nettement moins aguicheuse que son apparence extérieure. Je reconnais bien le style assez morose des marques allemandes, sans compter la qualité des plastiques vraiment peu glorifiante et assez représentative des productions automobiles milieu de gamme dans les années 90.

Heureusement, notre destrier dispose de sièges baquet Recaro pour titiller mon enthousiasme et me rappeler que c’est avant tout pour son tempérament qu’on s’intéresse à une telle auto. J’y reviens dans un moment mais croyez-moi, je n’ai pas été déçu. Les assises sont d’ailleurs plutôt confortables et offrent un maintien acceptable en regard de la sportivité de notre mouture RS Cosworth.

Caractéristique des « Hot Hatch », on peut imaginer utiliser l’auto au quotidien, même avec une famille. En effet, cette Escort conserve les qualités du modèle de base, à savoir 5 places et un coffre de taille convenable. Autoradio, toit ouvrant, vitres électriques viennent compléter le tableau. Pas de doute, c’est bien la même chose que la berline de Madame ou Monsieur tout le monde.

Je note quand même les fonds de compteur blanc ainsi que les manomètres spécifiques à cette déclinaison mais il faudra vite partir rouler pour oublier cet intérieur peu flatteur.

Avec une bonne position de conduite, des sièges suffisamment enveloppant, je suis parfaitement en confiance au moment de démarrer cette Escort RS Cosworth. De plus, ce n’est pas ma première expérience avec ce modèle. La première fois, c’était lors de son arrivée sur le marché puis, il y a quelques années, avec celle d’un ami mais dont la mécanique a été légèrement améliorée.

Dès les premiers tours de roue, je ne peux que constater la facilité de prise en main et la légèreté dans la direction. Vraiment une voiture qu’on peut utiliser pour se balader paisiblement et qui ne pousse pas trop au crime, enfin du moment que le turbo ne charge pas. Reste que même en accélérant plus franchement, cela reste très homogène et finalement assez paisible.

Il est bien clair que face aux berlines surpuissantes d’aujourd’hui, notre Escort est plutôt tranquille avec son 4 cylindres de 220 ch. Cependant, lorsqu’on remet ça dans le contexte de l’époque, c’était un véritable choc sur le segment. Comme je le disais au préalable, alors qu’il est parfaitement envisageable de rouler cool, lorsqu’on augmente l’allure, on atteint vite des vitesses fortement repréhensibles.

Ce qui est le plus marquant, c’est l’agilité de l’auto et la précision de sa direction. Cette Escort RS Cosworth peut bondir d’un virage à l’autre en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Le comportement routier est excellent grâce aux quatre roues motrices mais la vivacité de l’ensemble ne me donne pas autant confiance qu’avec une M3 E30 par exemple. Assez étonnant je dois dire, je me rends également compte de la rigueur d’une BMW là où une Ford sera un peu moins précise. J’avais déjà remarqué cela en comparant ma 2002 de 1974 avec une Escort RS 2000 de la même année. Attention, cela ne signifie pas que c’est moins performant, c’est juste que la Ford transmettra des sensations un peu plus endiablées qui peuvent perturber au premier abord.

Pour revenir à cette Escort RS Cosworth, son point fort, c’est son efficacité car vraiment rien ne vient entacher votre périple et cela quel que soit l’état de la chaussée. L’amortissement est vraiment très bon, il permet d’avaler l’asphalte sans péjorer le confort des passagers, une belle réussite.

Au fil des kilomètres, j’assimile de mieux en mieux cette Escort et le paysage défile toujours plus rapidement, sans pour autant que ça soit contraignant à rouler. L’agrément de conduite est bien au rendez-vous mais je pense que nous atteignons déjà la limite des périodes de production où les autos distillaient un plaisir à l’état brut. Il faut commencer à rouler drastiquement plus fort pour que les émotions soient vraiment flagrantes. Vous allez me trouver un peu dur mais dans le monde d’aujourd’hui où il n’est plus possible de véritablement se faire plaisir au volant, je préfère privilégier une expérience plus vivante, même avec des performances moins exceptionnelles.

Peu friand de compétition à l’état pur, j’avoue avoir toujours eu un faible pour le rallye, une discipline qui demande selon moi le plus d’expérience et de talent que n’importe quel autre sport automobile.

C’est donc un réel plaisir pour moi d’avoir pu réaliser cet essai d’une des légendes du rallye. J’espère que nous aurons l’occasion prochainement de vous parler d’autres modèles mythiques car ce n’est pas cela qui manque avec en tête de liste, la plus désirable de toute à cette même époque, en tout cas à mes yeux, la Lancia Delta Integrale. Il serait aussi intéressant de s’aventurer sur les autos de la merveilleuse épopée des Groupe B car là aussi, il y a matière à bon nombre de reportages très intéressants.

Nos remerciements à Private Car Collection pour la mise à disposition de leur très belle Ford Escort RS Cosworth.