Le moment rêvé est arrivé, Timeless Addict vous propose un reportage sur une légende de l’automobile et certainement le modèle le plus emblématique du département BMW Motorsport, la M3 E30.
Je l’évoquais lors de mon article concernant la M3 (E46) CSL, nous nous étions fixés comme objectif de réaliser un tel essai et c’est maintenant chose faite, parfait pour clôturer cette année anniversaire du label M.
L’histoire des M3 avait été brièvement résumée lors de l’essai de la M3 CSL, je ne la refais donc pas. Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur celle qui en est à l’origine, la première M3, basée sur la génération E30 des Série 3 (1982 à 1994).
En plus d’être l’instigatrice d’une lignée exceptionnelle, elle est clairement la plus désirée et la plus mythique de toutes les M3, voire même de toutes les BMW M sauf peut-être la fantasmagorique M1.
Présentée au Salon de Francfort en 1985, cette M3 première du nom a été produite entre 1986 et 1991 à un peu plus de 17’000 exemplaires. Elle a également été déclinée en cabriolet, moins de 800 unités. Avec ses seules deux portes, on pourrait affilier cette M3 à un coupé mais il n’en est rien car la E30 est bel et bien une berline. Elle se positionne parfaitement dans la lignée de la première Série 3, la E21, et encore avant de la gamme 02, rappelez-vous notre essai de la 2002 Turbo.
A l’instar de la Porsche 911 Carrera RS 2.7 en son temps, cette M3 E30 a été conçue dans le cadre du développement d’une auto performante qui respecte les contraintes des règlements de compétition, notamment celles du règlement FIA Groupe A pour ce qui concerne notre belle bavaroise. En effet, il fallait partir d’un modèle de série pour obtenir l’homologation de la voiture et c’est tout logiquement que les hommes du département BMW Motorsport ont jeté leur dévolu sur une évolution de la Série 3 du moment, la mouture E30, pour aller, entre autres, rivaliser avec la Mercedes-Benz 190.
Pendant sa longue carrière sportive, la M3 E30 a raflé une quantité impressionnante de succès, que ça soit en voiture de tourisme, en DTM ou en rallye mais aussi en course de côte. Impossible de tout lister ici mais on peut mentionner un record : celui de plus de 1’400 victoires en supertourisme, y compris de nombreux titres. L’histoire perdure encore de nos jours avec une domination incontestée en VHC.
Preuve s’il est besoin que cette auto a été pensée pour la compétition et qu’elle n’a pas failli aux ambitions de ses concepteurs chez BMW Motorsport.
Comme indiqué au préalable, dérivée d’une Série 3 E30, cette première M3 se voit greffer différents attributs pour mettre en avant son caractère sportif.
Bien évidemment, son châssis a été entièrement revu mais surtout, comme les voies ont été élargies, il a fallu bodybuilder les ailes. A noter que ça ressort parfaitement sur notre modèle d’essai et sa teinte gris métallisé (Nogaro Silber) en comparaison du blanc ou du noir. Ces larges hanches sont du plus bel effet et comme sur une Lancia Delta Integrale, c’est diablement aguicheur, je n’y résiste pas.
Le bouclier avant, spécifique à la M3, est bien plus agressif que sur les E30 normales, et s’affiche avec différentes variantes selon les versions. Mais c’est à l’arrière que les changement sont les plus importants. Il y a tout d’abord le gros aileron, avec lui aussi des particularités selon les déclinaisons. Mais en plus, la vitre arrière est plus inclinée que sur une Série 3 E30, ce qui implique une plage arrière rallongée d’une dizaine de centimètres et une malle de coffre plus courte. Cette dernière vient aussi englober la partie arrière de l’auto, c’est bien différent des Série 3 de base. Lorsqu’on s’y attarde un peu plus longuement, il faut avouer que ce n’est pas particulièrement élégant mais tout cela a été étudié pour la compétition afin d’améliorer l’aérodynamisme. L’ensemble dégage une telle prestance qu’on ne fait pas attention à ce détail.
Véritable berline de papa dopée aux stéroïdes, notre M3 E30 affiche un look alliant discrétion et bestialité, j’adore.
Dans l’esprit des voitures allemandes, l’intérieur de la M3 E30 est plutôt austère, sans réel extravagance et quasiment identique aux modèles standards. Je note quand même les sièges Sport avec un tissu qui reprend les couleurs Motorsport, totalement dans l’ère du temps pour l’époque, j’aime beaucoup. Il était aussi possible d’avoir du cuir mais personnellement, je trouve que ça lui va nettement moins bien car ça donne une ambiance trop cossue.
Il faut aussi relever l’excellente position de conduite, avec une assise relativement basse et un excellent confort en regard du tempérament de l’auto. La qualité de finition est de mise, un atout évident de ces générations de BMW. Il y a aussi une bonne habitabilité à l’arrière et un grand coffre, c’est la parfaite super familiale.
En fait, et je ne vous apprends probablement rien, la pièce maitresse de la M3 E30, c’est sa mécanique. Sous la capot avant, on retrouve le fameux moteur S14, un quatre cylindres 2.3 litres. Construit sur le même bloc moteur qu’un M12/7 de Formule 2, il reçoit une culasse 16 soupapes, une première sur une Série 3. Sa mélodie est unique et devient enivrante proportionnellement aux montées en régime. Plus léger et plus performant à haut régime qu’un 6 cylindres, il se dit que ce 4 cylindres peut aisément dépasser les 9’000 t/min ; cependant, pour assurer une excellente fiabilité, son régime maximum a été fixé à 7’300 t/min sur notre M3 E30.
Pour le modèle de base, la puissance atteint 200 ch à 6’750 t/min, pour un couple de 245 Nm à 4’750 t/min. Selon la fiche technique de l’époque, avec un poids de 1’200 kg annoncés, notre M3 peut atteindre 235 km/h en vitesse maximum et le 0-100 km/h est réalisé en 6.9 secondes. A noter que sur la version catalysée, la perte était respectivement de seulement 5 ch et 5 Nm.
Sans surprise, cette puissance est délivrée sur les seules roues arrière au travers d’une boite manuelle Getrag à 5 rapports. Cette dernière est inversée, on retrouve donc la première vitesse en bas à gauche.
Au fil de sa vie, la M3 E30 a logiquement évolué et elle s’est déclinée en différentes versions, faisant également progresser sa mécanique. Après le modèle de base, il y a eu l’Evolution I et l’Evolution II, quelques modèles spéciaux (Cecotto, Ravaglia, Tour de Corse, Europameister) et surtout le graal ultime en matière de M3 E30, la Sport Evolution. Selon ces différentes moutures, la puissance est passée de 200 ch, enfin 195 ch, à 220 ch (Evolution II), et même 238 ch pour la Sport Evolution. Sur cette dernière, la cylindrée du fameux S14 était portée à 2.5 litres.
Avant d’en prendre le volant, parlons un instant de notre voiture d’essai. Comme je l’indiquais avant, la M3 E30 a été déclinée en différentes versions et l’une des plus convoitée, exception faite de la Sport Evolution, c’est la Cecotto.
Cette édition spéciale porte le nom d’un pilote vénézuélien d’origine italienne, Johnny Cecotto. Après des débuts prometteur comme pilote moto (1975 à 1980), il a réorienté sa carrière vers la course automobile (1980 à 2002). Il a gouté à la Formule 2, avec des autos équipées de moteur BMW, puis à la Formule 1. Mais c’est en voitures de tourisme qu’il a excellé, principalement avec des M3 E30 entre 1987 et 1992. Il a notamment gagné les 24 Heures de Spa en 1990 et les 24 Heures du Nürburgring en 1992.
C’est en l’honneur de ces résultats que BMW a réalisé cette déclinaison Cecotto, basée sur l’Evolution I (215 ch) mais avec un look plus proche de l’Evolution II ainsi que quelques autres spécificités, comme par exemple un béquet sur le spoiler avant, les caches culbuteurs couleur carrosserie, un intérieur tissu/cuir et des jantes BBS avec le centre peint en noir. Elle a été produite en 480 exemplaires numérotés et signés et elle était proposée en trois coloris : « Misano Rot », « Macao Blau » ou « Nogaro Silber ».
A cela viennent se rajouter 50 unités, la Cecotto Schweiz Edition (211 ch), commandées spécialement à l’époque par BMW Suisse, qui disposent des mêmes spécificités mais qui ne sont pas numérotées. Notre auto, produite en 1990, est justement l’une de celles-là.
Vous aurez remarqué qu’elle ne dispose cependant pas de ses jantes d’origine et un œil averti notera quelques modifications par rapport à l’original. Sachez toutefois que le propriétaire a bien fait les choses : il a gardé toutes les pièces d’origine et tout est complètement réversible. Sans compter que l’auto est parfaitement entretenue et dans un état irréprochable, c’est un régal. Pour revenir aux jantes – et je suis sûr que les amateurs les auront reconnues – il s’agit de celles qui équipaient les Groupe A en rallye à l’époque. Le rendu du combo couleur avec la teinte de carrosserie est tout simplement époustouflant, je suis fan.
La M3 E30 fait partie de ces autos qui m’ont fait rêver dans mon adolescence et qui le font toujours, à l’instar des fameuses Lancia Delta Integrale et Ford Sierra Cosworth. Dans le même registre, il y a aussi la Mercedes 190 Evoluzione et l’Audi Quattro mais c’était moins ma tasse de thé. Enfin, quoi que, si on parle de la très exclusive Sport Quattro, là je fais clairement une entorse à mon aversion pour la marque aux 4 anneaux et je signe sans hésitation pour y goûter. Bref, comme de coutume, si un heureux propriétaire d’une de ces pépites est partant pour que nous réalisions un reportage, il ne faut pas hésiter à nous contacter.
Bon, ce n’est pas tout ça, mais je vais quand même aller dévorer un peu de bitume car elle semble attendre que cela, cette belle M3 E30. Parfaitement installé à son volant, avec comme je le disais avant, un siège positionné suffisamment bas, je tourne la clé pour donner vie à ce moteur mythique.
Dès les premiers tours de roues, je constate avec une légère surprise à quel point c’est facile à rouler. Les commandes sont douces et précises, suffisamment assistées mais pas trop. On reconnaît une nouvelle fois l’excellence BMW en regard de l’époque des autos.
Je prends le temps de découvrir la voiture en roulant tranquillement, c’est presque déconcertant à quel point elle se comporte avec volupté en jouant le rôle d’une auto banale. Le moteur est onctueux, il permet d’évoluer calmement avec souplesse à tous les régimes et cela quel que soit la vitesse engagée. J’augmente le rythme, je monte plus haut dans les tours avant de passer le rapport supérieur et c’est de plus en plus plaisant.
Je me dirige vers un tracé plus sinueux et c’est là que l’émerveillement devient total. La direction, incisive et plutôt légère, permet d’inscrire avec grande précision l’auto dans les courbes et l’excellent châssis permet de les avaler sans aucune faille. Notre M3 passe d’un virage à l’autre comme si elle était collée à la route, sans prendre de roulis et en offrant un amortissement ferme tout en restant confortable. Je réitère l’exercice à plusieurs reprises sur la même route de montagne mais avec une allure toujours plus dynamique et rien ne vient perturber le comportement de cette M3, c’est grandiose.
Certes, la mécanique n’est pas rageuse et brutale mais elle est tellement homogène et répond parfaitement aux sollicitations qu’avec ce châssis aussi bien affuté, c’est tout simplement addictif d’avaler toujours plus de virages. De plus, le sélecteur de boîte, légèrement amélioré par l’excellent mécano qui entretient la voiture, offre une précision parfaite, ce qui contribue au plaisir de conduite. Une petite modification qui procure encore d’avantage de plaisir sans dénaturer l’auto, pourquoi s’en priver.
En tout cas, avec une telle auto, moi j’en remande et toutes les excuses sont bonnes pour emprunter les routes les plus tortueuses au volant de cette M3 avant de la rendre à son propriétaire. A l’instar d’une 911 Carrera RS 2.7, cette M3 ne demande qu’à rouler et même si elle sait le faire calmement, elle n’attend que le moment où vous allez la solliciter franchement.
Mythique par son histoire, notamment grâce à ses performances en compétition, cette BMW M3 est une auto « collector » depuis de nombreuses années et ce n’est pas près de changer. Bien que la M5 première génération (E28) soit sortie deux ans avant et que la sensationnelle M1 ait été la première voiture du département BMW Motorsport en 1978, à mes yeux, c’est quand même cette M3 E30 qui est la plus représentative de l’histoire du prestigieux label sportif du constructeur bavarois.
Après la 2002 Turbo en 2021, la M3 (E46) CSL et cette M3 (E30) en 2022 pour le cinquantième anniversaire de BMW Motorsport, on va devoir mettre les bouchées double ces prochaines années pour continuer sur cette lignée de prestigieux essais BMW. Bon, il y a clairement de quoi faire et vous pensez bien que j’ai déjà quelques idées, comme par exemple une M1 ou des plus anciennes, telles qu’une 507 ou une 328 Roadster, voir aussi des plus récentes comme une Z1 ou une Z8. Avis aux heureux propriétaires, je me tiens à votre disposition.
Nos remerciements à Patrick pour la mise à disposition de sa très belle BMW M3 (E30) Cecotto Schweiz Edition.