Texte : Sebastien MorandPhotos : Claude-Alain Ferrière

Après avoir eu la chance de réaliser un essai de la très rare Bizzarrini 1900 GT Europa en 2021, je rêvais secrètement de pouvoir faire de même avec sa grande sœur bien connue des habitués des courses historiques. Aujourd’hui c’est chose faite avec la version routière bien évidemment.

Timeless Addict a donc l’immense plaisir de vous proposer ce reportage sur la Bizzarrini 5300 GT Strada.

Quelques jours après avoir assisté à la présentation de la réédition de la version compétition, à savoir la 5300 GT Corsa Revival, me voici à nouveau en présence d’une Bizzarrini. Enfin, je devrais même dire « trois » vu qu’à cette occasion, nous avons eu la chance d’en réunir trois. Il y avait donc la « nouvelle » 5300 GT Corsa Revival, la très élégante 1900 GT Europa essayée il y a deux ans et la splendide 5300 GT Strada qui est à l’honneur dans cet article.

J’avoue que je ne pensais pas réussir un tel regroupement mais oui, ça s’est fait ! Je tiens à remercier les différents intervenants qui m’ont permis de le réaliser. La photo de groupe parle d’elle-même, c’est tout simplement magique et relativement rare je pense.

Je vous avais déjà raconté l‘histoire du fondateur de la marque, Giotto Bizzarrini, lors de mon essai de la 1900 GT Europa, je vous invite donc à relire cet article pour plus de détails. Mais en quelques mots, on peut dire que cet ingénieur italien, né en 1926 à Livourne et décédé au printemps 2023, a travaillé chez Alfa Romeo, Ferrari et Lamborghini. Il est à l’origine de bon nombre de réalisations, les plus connues étant la fantasmagorique 250 GTO pour Enzo Ferrari et le premier V12 pour Ferruccio Lamborghini. Plus tard, en collaborant avec la marque Iso Rivolta, il développe la Grifo A3C qui deviendra ensuite celle qui nous intéresse aujourd’hui, la Bizzarrini 5300 GT.

Entre 1964 et 1968, l’auto arbore donc différentes identités et c’est sous le patronyme Prototipi Bizzarrini A3|C qu’elle remporte sa classe aux 24 Heures du Mans 1965. J’en parlais dans mon article réalisé à l’occasion de la présentation de la 5300 GT Corsa Revival. Passionné par la compétition et afin d’obtenir l’homologation pour les courses, Giotto Bizzarrini fabriqua 133 exemplaires de 5300 GT en configuration « route », sous le nom de Strada.

En matière de design, cette Bizzarrini affiche un style à part entière. Certes, on reconnaît certains traits typiques de la production italienne des années 60. Toutefois, particulièrement basse et relativement large, on peut aussi trouver quelques ressemblances avec la mythique Ford GT40. La ligne est quand même plus élégante que celle de l’américaine, surtout dans cette déclinaison Strada et cela malgré une taille plutôt imposante : 4m46 de long et 1m76 de large, pour seulement 1m11 de haut. L’exercice pour rentrer et sortir de l’auto n’est pas des plus simples mais j’y reviendrai.

En ayant maintenant la chance de l’avoir aux côtés de sa petite sœur la 1900 GT Europa, j’avoue que cette dernière dégage un peu plus de charme, notamment grâce à quelques éléments comme les vitres latérales. Reste que la 5300 GT, habillée de sa splendide robe orange, affiche une prestance impressionnante. Véritable top-model, je la trouve hyper sexy et très photogénique. Pas vraiment surprenant en fait, les coups de crayon des designers italiens de l’époque sont connus et reconnus depuis longtemps. A noter que pour cette 5300 GT, Bizzarrini avait collaboré avec Giugiaro sous inspiration Bertone, des références qu’il n’est pas nécessaire de présenter.

J’aime tout particulièrement la face avant, très plate, qui me fait penser à une raie Manta. Mais aussi les différents détails comme les poignées de porte ou les ouïes latérales, ainsi que l’intégration d’un petit pare-chocs chromé dans le prolongement du museau de l’auto.

L’intérieur n’est pas en reste, avec du cuir et du bois pour offrir un habitacle plutôt cossu en regard du dessin extérieur. Une fois qu’on a réussi à se glisser à bord, les commandes tombent parfaitement sous la main. Attention en passant de l’accélérateur à la pédale de freins, c’est très proche.

L’ensemble propose un mélange de confort, il y a notamment un autoradio et des vitres électriques, et d’ambiance orientée vers la course du fait de la position de conduite très couchée. C’est un peu dans l’esprit d’une Ferrari 365 GTB/4 Daytona ou d’une Lamborghini Miura, j’adore.

Question de s’assurer une bonne fiabilité, Giotto Bizzarrini équipe les 5300 GT d’un moteur V8 Chevrolet de 5’358 cm3. Ce dernier est placé en position centrale avant pour la première fois. Il s’agit du Small Block 327ci (5L4) équipant les Corvette C2. Différents niveaux de puissance sont annoncés, 365 ch, 385 ch et même 400 ch pour les versions Corsa. Le couple est quant à lui légèrement supérieur à 500 Nm, permettant à l’auto de rouler avec une souplesse et une douceur totalement bluffantes.

Cette mécanique est couplée à une boite manuelle Borg-Warner à 4 rapports dont le maniement est relativement aisé, tout comme la gestion de l’embrayage. On ne s’attend pas toujours à cela sur des autos de cette époque, notamment lorsqu’elles ont un lien avec la compétition. Mais pour le coup, cette Bizzarrini offre vraiment un agrément de conduite très impressionnant. Sans compter qu’avec un poids d’environ 1’200 kg, les performances sont au rendez-vous.

Autre détail non négligeable, la merveilleuse sonorité du V8. Sans être trop marquée, c’est rond et voluptueux. Elle sait vous enivrer dès les premiers tours de roue. Je pense que je ne m’en lasserai jamais.

Une fois installé aux commandes, je me sens vraiment bien. La position de conduite « couchée », avec comme de coutume à cette époque un volant assez proche qui implique de placer ses jambes de chaque côté, est toujours un peu perturbante au début mais je m’y fais rapidement. L’espace est confiné mais moins que dans la 1900 GT Europa quand même.

Voilà le moment tant attendu : en route. Un tour de clé, la belle italienne s’ébroue en douceur. Le propriétaire m’explique qu’il faut mettre assez de gaz en relâchant progressivement l’embrayage mais qu’à part cela, elle est très facile à conduire. C’est effectivement ce qui me frappe immédiatement. Certes, le gabarit nécessite d’être vigilant et comme toutes les autos anciennes, le maniement de la direction demande un petit temps d’adaptation. Une fois ces détails assimilés, je découvre une auto très agréable, avec un moteur hyper coupleux qui facilite la prise en main.

Je constate également un amortissement plutôt confortable rendant la balade sur les petites routes de notre région très plaisante. Je prends la direction du Marchairuz afin de découvrir cette 5300 GT Strada sur un parcours que je connais bien. En débutant ma balade tranquillement, le premier ressenti se confirme, la voiture invite vraiment à avaler les kilomètres telle une GT. C’est presque perturbant en regard de sa robe ultra dynamique.

Toutes les conditions sont réunies, j’augmente le rythme en me délectant de la belle musique distillée par le V8. Nul besoin de cravacher la voiture, elle avale le bitume en douceur, avec une aisance déconcertante. Certes, elle préfère les longues courbes plutôt que les petits virolets, mais en tout cas elle ne rechigne pas à la tâche, c’est un régal. En sollicitant encore un peu plus la mécanique, je ressens de belles sensations et un comportement sportif qui ne demande qu’à être exploité. La tenue de route et la suspension permettent d’appliquer une belle cadence, c’est un véritable bonheur.

De plus, à en croire mon photographe – et ses clichés le confirment – notre 5300 GT Strada est sublime à voir évoluer. Je n’en doute pas, tant sa teinte orange sied parfaitement à ses lignes. Même sans rouler très vite, elle dégage de la performance.

Quelques informations concernant notre voiture d’essai. Il s’agit d’un modèle 1968 qui a été vendu neuf en France à M. Jalut, un entrepreneur spécialisé dans les jukebox, les tables de billard et les machines à sous. Elle est sortie d’usine avec une peinture jaune brillant et deux mois après l’avoir réceptionnée, M. Jalut a participé au Concours d’Élégance au Touquet. Après deux changements de propriétaire, la voiture est finalement achetée en 1970, par un certain M. Jacques Lavost qui l’a gardé jusqu’en 2015 et qui a parcouru plus de 85’000 km avec, sans aucun souci particulier.

Après avoir roulé avec la voiture, je peux aisément le croire, elle fonctionne à merveille. Pendant cette longue période, la voiture a été restaurée une seule fois et c’est à ce moment qu’elle a été repeinte en orange. Finalement, M. Lavost a décidé de s’en séparer après plus de 45 ans et depuis, elle appartient à l’heureux propriétaire qui nous l’a confiée pour cet essai.

Après mon essai de la Bizzarrini 1900 GT Europa, j’étais encore plus impatient de découvrir cette 5300 GT Strada. Même si elles affichent clairement un style très ressemblant en photo, c’est moins le cas lorsqu’elles sont côte à côte tant la différence de taille est impressionnante.

Reste que les deux sont très belles, avec un charme à la fois représentatif des voitures italiennes et très atypiques puisque ce sont des Bizzarrini ! Pas de doute, il n’est pas nécessaire de faire un choix, il faut avoir les deux !

Nos remerciements à Thierry pour sa confiance et la mise à disposition de sa magnifique Bizzarrini 5300 GT Strada mais aussi à Emanuele Collo de Kidston SA pour son aide dans l’organisation de cet essai. Un grand merci également à Sioux Automobiles pour leur participation au shooting photos avec la sublime et rare Bizzarrini 1900 GT Europa, ainsi qu’à Pegasus Automotive Group SA pour leur accueil et la présence de la « nouvelle » Bizzarrini 5300 GT Corsa Revival.