Texte : Sebastien MorandPhotos : Claude-Alain Ferrière, Sebastien Morand

Méconnue de beaucoup du fait de sa rareté, la Toyota 2000 GT est probablement une des plus belle japonaise jamais conçue. Lancée à la fin des années 60, elle a espéré bousculer les habitudes mais sans réel succès.

Aujourd’hui, c’est devenu un mythe et c’est donc avec un immense plaisir que Timeless Addict a la chance de vous proposer cet essai.

Dans les années 60, lorsqu’on parle de Coupé GT, deux voitures viennent immédiatement en tête : la Jaguar Type E et la Porsche 911. C’est pour aller leur faire de l’ombre que les dirigeants de Toyota ont décidé de concevoir la 2000 GT. Toutefois, avec un prix supérieur et un badge sans réelle notoriété prestigieuse, le résultat escompté ne s’est pas produit. Entre 1967 et 1970, il n’y aura finalement que 351 voitures produites, dont moins de 100 avec conduite à gauche.

Question de vous représenter encore mieux son exclusivité, seules trois voitures ont été importées en Suisse à l’époque. Aujourd’hui, une seule de ces trois est encore dans notre pays, c’est celle que nous avons à l’essai aujourd’hui. Un second exemplaire est connu dans notre contrée, il est visible chez Emil Frey Classic à Safenwil et il provient de Belgique. C’est donc un très grand privilège pour Timeless Addict de pouvoir réaliser ce reportage.

Au premier coup d’œil, sans la connaître ou la reconnaître, bon nombre de personnes pensent que la belle japonaise vient en fait d’Angleterre. Des lignes élégantes tout en étant sportives, on est vraiment proche de la Type E. Toutefois, alors que la largeur est quasiment identique, la Toyota est plus courte de presque 30 cm (4’175mm versus 4’458mm) et plus basse de 6 cm (1’160mm versus 1’220mm). Ça peut paraître anodin sur le papier mais lorsqu’on l’observe en vrai, c’est assez flagrant.

De surcroit, toujours en présence de l’auto, on constate que le dessin de la 2000 GT est un peu plus galbé, avec comme meilleur exemple le pare-brise largement plus incliné et très arrondi. Sans renier la sublime robe de la Jaguar, j’avoue que le dessin de la Toyota paraît plus dynamique. Vraiment une très belle réussite réalisée par le designer japonais Satoru Nozaki.

A l’avant, difficile de ne pas remarquer les gros projecteurs ronds cachés derrière leur vitre en plexiglas. Mais vous serez probablement surpris d’apprendre que ce n’est que les antibrouillards et qu’ils sont aussi utilisés pour les appels de phare. En effet, les feux de route sont eux escamotables, également circulaires et de taille importante.

Point de badge sur le capot, juste des inscriptions sur les flancs et à l’arrière. En revanche, l’intérieur de la calandre arbore une structure en forme de T, comme la première lettre de Toyota. Seul un œil très observateur le remarquera.

Le long capot se voit greffer les rétroviseurs en forme d’obus, c’est super joli et totalement dans l’esprit de l’époque, en particulier sur les voitures japonaises. Cependant, niveau efficacité, ce n’est pas vraiment optimum. Autre détail particulièrement bien travaillé, les poignées de porte que je trouve sublimes et comme ce n’est pas évident de les décrire, je vous invite à regarder les photos.

Après la longue ligne de toit fuyante et descendante, l’arrière de la 2000 GT est tronqué, comme sur les Alfa Romeo Giulia TZ. Mais rappelez-vous, ce n’est pas la seule puisque je mentionnais également cette particularité lors de notre essai de l’Aston Martin DB6. Autre auto qui arbore un style assez similaire, la Ferrari 365 GTB/4 Daytona mais le gabarit est largement plus imposant.

Pour revenir à notre 2000 GT, j’aime tout particulièrement ces phares arrière ronds, placés sur un élément entièrement chromé, ainsi que son toit nervuré dans l’esprit des réalisations de Zagato. On peut également mentionner les jantes en magnésium et la double sortie d’échappement centrale, encore une similitude avec la Type E.

Avant de passer à l’intérieur, attardons-nous sur la mécanique de cette Toyota 2000 GT car certains éléments de carrosserie y sont directement liés.

Vous ne les avez surement pas remarqués tant la ligne générale de la voiture subjugue votre regard mais de chaque côté, entre la roue avant et la portière, il y a une découpe dans l’aile. Aucun intérêt esthétique, il s’agit de trappes pour simplifier l’accès à différents éléments tels que le filtre à air, la batterie, le réservoir du lave-glace et d’autres pièces mécaniques. Pour ouvrir ces panneaux, il faudra en premier lieu ouvrir le capot moteur, puis enlever les petites grilles d’aération situées de part et d’autre de ce dernier. Cette conception démontre à quel point les ingénieurs Toyota ont poussé le travail d’optimisation tout en l’intégrant à la ligne de la voiture.

Maintenant que le cœur de la belle est accessible, nous découvrons un 6 cylindres en ligne emprunté à la Crown S, la berline Toyota de l’époque. Toutefois, pour l’installer dans la 2000 GT, il subit une cure de vitamines orchestrée par Yamaha. Trois carburateurs Mikuni, nouvelle culasse en aluminium et double arbre à cames en têtes (la première fois sur une voiture japonaise produite en série), tout le savoir-faire du constructeur japonais spécialisé dans les motos, notamment en compétition, est présent.

Résultat, le 6 cylindres 2.0 (1’998 cm3 pour être précis), nom de code 3M, développe 150 ch à 6’600 t/min pour un couple de 177 Nm à 5’000 t/min. Pour délivrer la puissance sur les roues arrière, le moteur est couplé à une transmission manuelle à 5 rapports. Il était possible d’avoir, en option, une boite automatique mais seule une infime partie des clients ont opté pour ce choix. En matière de performance, le 0-100 km/h est réalisé en 9 secondes et la vitesse maximum culmine à 220 km/h.

A la fin de sa carrière, pour réduire les coûts de fabrication, la 2000 GT a vu sa mécanique évoluer, enfin régresser dans l’absolu. Le bloc est maintenant le 2M-B, celui de la Crown, avec une cylindrée qui passe à 2’253 cm3, perdant 10 ch au passage, mais gagnant 24 Nm. Au final, moins de 10 exemplaires seront produits ainsi ; la belle aventure touche à sa fin car les ventes n’ont jamais atteint les résultats espérés.

La conception de la Toyota 2000 GT repose sur un châssis poutre, à l’instar de la fameuse Lotus Elan. Les ingénieurs japonais se sont directement inspirés de cette dernière pour concevoir celui de la 2000 GT. Comme sur l’anglaise, il a une forme en X qui entoure à l’avant le moteur et la boite, alors qu’à l’arrière on retrouve le pont. La répartition des masses est presque parfaite avec 51% à l’avant et 49% à l’arrière.

Autre première pour une voiture de série japonaise, la 2000 GT dispose de quatre freins à disques et de quatre suspensions indépendantes. Avec un poids légèrement supérieur à la tonne, précisément 1’120 kg, les sensations sont au rendez-vous, j’y reviens dans un moment.

La Toyota 2000 GT était entièrement assemblée à la main dans les usines Yamaha et à ce propos, c’est le même bois que celui des instruments de musique de la marque qui a été utilisé pour la fabrication de la planche de bord. Au fil des modèles, différentes essences sont exploitées, expliquant les différences de rendu que vous pouvez constater d’une 2000 GT à une autre.

Cet habitacle plutôt luxueux et cossu détonne légèrement en comparaison de la ligne extérieure très sportive. C’était à priori une volonté de son créateur, Toshiro Okada, afin de se démarquer de l’austérité de la Porsche 911 et du classicisme de la Jaguar Type E. Le mélange de bois brun et de simili cuir noir renforce l’élégance de notre stricte deux places japonaise.

L’instrumentation est complète, avec une multitude de petits compteurs au centre du tableau de bord et orientés vers le pilote. Difficile pour moi d’affirmer que c’est plus réussi que dans la Jaguar tant j’aime l’anglaise. Je pense que c’est avant tout une question de goût mais on ne peut qu’être admiratif de la singularité du rendu final dans cette Toyota 2000 GT.

Les sièges sont légèrement baquet, offrant un bon niveau de confort et suffisamment de maintien. Avec un plancher situé très bas, il faudra juste s’habituer à se glisser dans l’auto et ne pas mesurer plus que 1m80 si vous ne voulez pas être trop à l’étroit.

Niveau particularité, l’intérieur de cette 2000 GT n’en manque pas et je ne vais mentionner que les plus marquantes. Tout d’abord le ciel de toit est particulièrement moelleux, ça pourrait provenir de chez Rolls-Royce tant le capitonnage est épais. Il y a aussi une colonne de direction réglable, bluffant pour l’époque, ainsi qu’un régulateur de vitesse mais ce dernier n’était pas fonctionnel sur les voitures livrées en Europe.

Avant de vous partager mes impressions à son volant, je vais brièvement présenter notre auto de test. Elle est sortie d’usine en mars 1968 et a été immatriculée en Suisse le 15 novembre de la même année. Elle arbore une des deux teintes blanches proposées au catalogue, celle-ci s’appelle « Pegasus White ».

Comme je le disais précédemment, c’est l’un des trois exemplaires qui ont été importés dans notre pays et c’est le seul qui s’y trouve encore. Ce qui est d’autant plus génial, c’est qu’elle appartient à la même famille depuis le début des années 70. En effet, le père du propriétaire actuel l’avait acheté d’occasion au Grand Garage des Nations, le concessionnaire Toyota à Genève à la fin des années 60. C’est d’ailleurs par ce dernier que les trois voitures importées en Suisse avaient été commandées à l’époque.

Pour revenir à notre auto, son premier possesseur, un certain Henri Nobs, avait remplacé les carburateurs Mikuni par des Weber plus performants qui sont encore à ce jour dans la voiture. Aujourd’hui, cette 2000 GT approche gentiment les 100’000km et elle n’a jamais subi de restauration. Dans son jus, elle offre une magnifique patine qui, à mes yeux, lui confère un charme bien plus désirable qu’une auto refaite à neuf.

C’est bien joli de faire l’éloge de cette Toyota 2000 GT en présentant sa robe et sa mécanique mais il serait quand même temps de découvrir ce qu’elle distille comme sensations lorsqu’on se retrouve à son volant.

Comme de coutume, je débute l’essai sur le siège passager. Ça me permet dans un premier temps de voir comment l’auto se comporte et de profiter des explications du propriétaire. Rapidement je suis bluffé par le silence à bord et le confort. Nous sommes bien dans une véritable GT, prêts à avaler les kilomètres.

Le moment vient de s’installer au volant et immédiatement je m’y sens très à l’aise. La position de conduite est excellente et les commandes tombent parfaitement sous la main. Dès les premiers kilomètres, les bonnes impressions ressenties en passager se confirment, cette Toyota est vraiment agréable à rouler et se prend facilement en main.

La sonorité feutrée du 6 cylindres enchante avec délicatesse mes oreilles. Je constaterai plus tard, en regardant partir la voiture en fin de journée, que depuis l’extérieur, la musique de la mécanique est bien plus marquée. Un gage de qualité en matière d’insonorisation pour les occupants, tout en affirmant son caractère pour les personnes qui croisent la route de notre japonaise.

Légère et agile, animée par les 150 ch de son 6 cylindres, notre 2000 GT nous fait vite ressentir qu’elle est disposée à appliquer un rythme plus soutenu à notre balade. J’augmente donc la cadence et je découvre le tempérament dynamique de l’auto. La mécanique est très souple, c’est donc en douceur que se font les montées en régime. Mais lorsqu’on atteint 4’000 t/min, l’ambiance se dynamise quelque peu et m’invite à continuer sur ma lancée. Ma raison calme cependant mes ardeurs. Je ne suis pas là pour réaliser un chrono, mais bien pour vivre une expérience et la partager avec vous.

Sans compter qu’il n’est pas nécessaire d’aller vite pour réaliser à quel point le châssis est bon. La 2000 GT enchaine les virages avec une grande aisance, c’est vraiment un régal à conduire et assez bluffant pour l’époque. Il va me falloir rapidement essayer une Type E pour comparer le comportement.

Avec son look de sportive, on s’attend à une mécanique pointue et c’est probablement l’aspect le plus déroutant. Ce moteur est hyper souple, il permet de repartir facilement en deuxième et il tourne à merveille. Attention toutefois aux excès de vitesse car avec cette ambiance plutôt feutrée, on a vite tendance à rouler plus vite que ce qui est autorisé.

En complément à cet excellent châssis et ce merveilleux moteur, je remarque également des freins performants pour l’époque.

A l’instar d’une Honda NSX au début des années 90, cette Toyota 2000 GT est une véritable réussite. Malheureusement, elle n’a pas su convaincre une clientèle déjà influencée à l’époque par la marque de la voiture plus que par les sensations qu’elle procure.

Pour l’anecdote, les amateurs de 007 ont aussi pu admirer une version découvrable de la 2000 GT dans le film « You Only Live Twice ». En effet, alors que notre élégante 2000 GT avait été sélectionnée, la production a réalisé que Sean Connery, 1m88, ne rentrait pas dans la voiture. Toyota n’a ainsi pas eu d’autre choix que de concevoir deux prototypes cabriolet ; mais jamais ce modèle n’a été mis en production.

L’essai de cette Toyota 2000 GT touche à sa fin. L’occasion pour moi de la voir évoluer sur la route. C’est vraiment sublime et ça me conforte dans mon idée qu’il s’agit de l’une des plus belles japonaises jamais produites.

Nos remerciements à Luc pour la mise à disposition de sa magnifique et rare Toyota 2000 GT ainsi que pour les informations qu’il a pu regrouper sur cette exceptionnelle japonaise que je vous invite à aller découvrir sur son site internet.