Texte : Thomas ChattonPhotos : Thomas Chatton

24 octobre 1971. Une journée maudite pour le sport automobile Suisse. En effet, c’est ce jour-là que Jo Siffert alias Seppi s’en est allé suite à un terrible accident lors du GP de Brands Hatch.

Cette année, à l’occasion des 50 ans de la disparition de Jo Siffert, une série d’événements et d’hommages ont pris place à Fribourg, la ville natale de Seppi.

En point d’orgue de cette commémoration, nous avons eu la chance d’être accueilli dans le Swiss Viper Museum où une exposition temporaire de véhicules ayant appartenu à Jo à pris place. Grande surprise de la journée, la présence du charismatique pilote écossais et ancien équipier de Jo, Sir Jackie Stewart.

Présent également, le très apprécié ancien commentateur F1 pour la télévision suisse, Jacques Deschenaux.

Sir Jackie Stewart n’est plus à présenter. Avec son palmarès exceptionnel: 27 victoires en 99 grand-prix et trois titres de champion du monde (1969, 1971, 1973), il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands pilotes de Formule 1.

Jackie a partagé une bonne partie de sa carrière avec notre Jo. Il découvre le monde de la F1 en disputant son 1er GP en Afrique du Sud en 1965. À ce moment-là, Jo Siffert avait d’ores et déjà une vingtaine de courses à son actif.

Selon Jackie, Jo était un très bon ambassadeur pour la Suisse, le seul à cette époque. Il a toujours senti qu’il était différent des autres pilotes, il était très modeste. Venant d’un petit pays et ayant des moyens limités, il lui a fallu plus de temps pour trouver sa place dans ce sport élitiste.

Jo avait une très bonne équipe, celle de Rob Walker. Il s’est beaucoup inspiré à l’époque de la façon d’être de Walker, cela lui a permis d’évoluer mais malgré tout de rester modeste dans son attitude.

Il était un pilote très polyvalent. Il pilotait aussi bien en F1 qu’en endurance, en F2 ou même en moto.

Brands Hatch 71 était une course hors championnat organisée pour célébrer le titre fraîchement acquis de Stewart. « Ce devait être une grande fête, et puis ce terrible accident est survenu ». Jackie a été durement touché par la fatalité de ce sport. Au long de sa carrière il a perdu 57 amis pilotes en course.

A l’époque, il était président de l’association des pilotes de GP. Suite au décès de Bruce McLaren, le 2 juin 1970, il a rassemblé tous les pilotes. Ils ont décidés qu’ils fallait cesser toutes ces fatalités évitables.

La sécurité sur les circuits était catastrophique. Exemple troublant, le fameux circuit du Nürburgring. « Il n’y avait pas assez de glissières, la moindre sortie de piste pouvait se terminer dans les arbres. Les commissaires et les pompiers étaient en sous-effectif. Certaines fois, les épaves de voitures accidentées la course précédente restaient sur le bord de la piste, personne ne s’en occupait, c’était ridicule ».

Jackie proposa de ne pas courir au Nürburgring, un geste fort car ce grand-prix était considéré comme le plus important de l’année. Malgré une certaine réticence, les pilotes le suivirent dans sa démarche et ce fut le premier pas vers une amélioration significative de la sécurité sur les GP de F1.

Aujourd’hui les accidents mortels en F1 sont heureusement devenus extrêmement rares, et cela est en partie grâce à l’initiative de pilotes comme Jackie qui ont fait évoluer les choses dans le bon sens.

Après cet entretien passionnant, une partie des personnes présentes se sont rendues sur la tombe de Jo Siffert au cimetière de St Léonard à Fribourg pour clôturer ce qui aura été une très belle année de commémoration de cette véritable légende du sport automobile suisse.