Texte : Sebastien MorandPhotos : Claude-Alain Ferrière, Sebastien Morand

Cette année, le département BMW Motorsport fête son 50ème anniversaire, c’est donc une évidence pour Timeless Addict de proposer un ou plusieurs essais des modèles sportifs de la marque bavaroise.

S’il y a bien une auto emblématique du constructeur allemand, c’est la mythique M3 et, en attendant de réaliser un reportage sur la première du nom, la E30, nous allons nous intéresser à une déclinaison tout aussi attirante, la M3 CSL, basée sur la génération E46.

Avant de découvrir celle qui fait l’objet de ce reportage, rappelons brièvement l’histoire de la lignée M3.

Tout a commencé en 1986 avec le modèle E30 (berline 2 portes et cabriolet) qui disposait d’un 4 cylindres 16 soupapes, tout d’abord d’une cylindrée 2.3, puis 2.5 pour la Sport Evolution, avec des puissances allant de 195 à 238 ch. L’auto s’est illustrée à mainte reprises en compétition et encore aujourd’hui en rallyes historiques, l’allemande fait des ravages. Petit message personnel aux heureux propriétaires, je me tiens volontiers à disposition afin de réaliser un article pour Timeless Addict, car cette première M3 reste et restera un modèle phare pour la marque. Cela représente le début des berlines/coupés 4 places sportives, après la légendaire 2002 Turbo, dont on vous avait proposé un essai l’année dernière.

En 1992, la M3 E30 est remplacée par la E36 (coupé, cabriolet et berline) qui débarque avec la fameux 6 cylindres en ligne si cher au constructeur bavarois, au début en 3.0 avec 286 ch, puis en 3.2 avec 321 ch.

En 2000, c’est la mouture E46 (coupé et cabriolet) qui arrive sur le marché, toujours équipée du 6 cylindres 3.2 qui gagne cependant 45 cm3. La mécanique développe alors 343 ch et elle peut être couplée à une boite robotisée SMG. C’est sur cette base que celle qui nous intéresse aujourd’hui, la M3 CSL, voit le jour en 2003.

En 2007, place à une nouvelle génération qui, pour la première fois, se décline en trois modèles distincts, la berline E90 (4 portes), le coupé E92 (2 portes) et le cabriolet E93. Autre nouveauté, la voiture perds son mythique 6 cylindres pour un V8 4.0 qui développe 420 ch. Toujours disponible en boîte manuelle, elle sera également proposée avec une transmission double embrayage DKG.

Après, l’histoire se complique, car avec la génération F80 qui débarque en 2014, la dénomination M3 sera liée à la berline, alors que le coupé devient une M4. Probablement anodin pour la plupart des clients, les passionnés n’apprécient pas et revendiquent une appellation M3 unique avec spécification de la déclinaison. Sa motorisation revient sur un 6 cylindres, mais turbocompressé, merci la mode du downsizing, avec des puissances allant de 431 à 460 ch.

Finalement en 2020, c’est la G80 qui voit le jour, avec sa calandre très controversée et surtout différente du reste de la gamme Série 3, dont le 6 cylindres 3.0 biturbo développe entre 480 et 510 ch selon les versions. Cette génération est également disponible, pour la première fois, avec une traction intégrale et cette année, autre première, la M3 existe aussi en Touring, le break chez BMW.

Concernant le label CSL, qui signifie Coupé, Sport et Lightweight (ou Leichtbau pour être parfaitement dans le thème), il a pour objectif, comme son nom l’indique, d’alléger une version déjà sportive pour la rendre encore plus performante.

BMW s’intéressait déjà à cette approche il y a bien longtemps, avec la 328 Mille Miglia Coupé, construite en 1938, dont les panneaux de carrosserie étaient en aluminium. Toutefois il voit véritablement le jour au début des années 70, avec la fameuse 3.0 CSL (E9). Cette dernière est la déclinaison routière qui servi à l’homologation de son équivalent pour la compétition, rappelez-vous les explications mentionnées dans notre essai de la Porsche 911 RS 2.7.

En attendant l’arrivée de la M4 CSL (et encore, vu que la marque a changé la définition de la première lettre pour Compétition au lieu de Coupé) présentée il y a quelques mois dans le cadre du 50ème anniversaire de BMW Motorsport, ce n’est que deux autos, la 3.0 CSL et notre M3 CSL, qui arborent le véritable patronyme CSL.

Toutefois il y a bien eu quelques autres déclinaisons particulières en marge de la M3 de base. Avant notre E46 M3 CSL, il y a eu la E30 M3 Sport Evolution, élevée au rang de légende de nos jours, puis pour la E36, la M3 GT. Je n’avais jamais entendu parler de cette dernière, alors qu’avec sa robe British Racing Green, elle a clairement de quoi me charmer. A la suite de notre CSL, nous avons eu droit à la M3 GTS (E92) qui ne jouait clairement pas la carte de la discrétion avec une couleur de lancement orange et un énorme aileron. Toujours sur cette même période, encore plus exclusive, la M3 CRT basée sur la berline E90. Ensuite, sur la F80, exception faites de la récente M4 CSL mentionnée au préalable, il y a des moutures boostées affublées du nom « Compétition » ou « CS » en plus du M3 ou du M4, qui perdurent sur les modèles actuels.

Il est temps de revenir à celle qui nous intéresse aujourd’hui, la fameuse M3 (E46) CSL. Présentée sous la forme d’un concept car en 2001 lors du Salon de Francfort, elle sera produite uniquement en 2003 sous la forme d’une série limitée à 1’383 exemplaires.

A l’instar des M3 en général, elle cultive encore plus l’esprit « Sleeper », qui signifie optimiser une auto en matière de performance tout en laissant une apparence relativement discrète. Pour notre CSL, c’est une évidence, car seul l’œil averti reconnaitra cette déclinaison d’une M3 E46 normale, voire d’une autre BMW Série 3 de même génération. Proposée exclusivement en gris argent (Silver Grey Metallic), comme notre voiture d’essai, ou en noir (Black Sapphire Metallic), c’est encore plus facile de se la jouer discret.

Petite anecdote, lors de la conception de cette M3 CSL, l’objectif pour BMW était de passer en dessous des 8 minutes sur la mythique Nordschleife. A cette époque, la M3 normale faisait 8m22, il fallait donc grapiller un sacré paquet de secondes et pour cela il n’y a pas vraiment de miracle, il faut plus de puissance et moins de poids.

Allez, je ne vais pas garder le mystère plus longtemps, ils ont réussi ! La M3 CSL a réalisé le temps de 7min50, une belle performance en comparaison du modèle de base et aussi face à la 911 (996) GT3 qui avait parcouru la fameuse boucle de l’Enfer Vert en 7min54.

Donc, avec comme objectif principal de réduire le poids, les ingénieurs BMW ont eu recours à l’utilisation de la fibre de carbone (CFRP pour Carbon Fiber Reinforced Plastic), notamment pour le toit (gain 6 kg) qui arbore avec fierté sa composition, c’est superbe. D’autres éléments ont été revus, allant des pare-chocs aux sièges, en passant par les panneaux de portes, etc. Pas tous exploitent le carbone, il y a aussi entre autres de la fibre de verre et de l’aluminium. Autre exemple, la vitre arrière voit son épaisseur réduite de 0.7 mm, ça représente un gain de 1.6 kg.

Globalement les opérations d’allégement ont permis de gagner, au total, environ 110 kg par rapport à une M3 E46 normale. Ainsi, la M3 CSL annonce un poids de 1’385 kg, proposant un rapport poids/puissance de 3.85 kg/ch, soit 10% de mieux qu’une M3 E46 normale.

Esthétiquement, en plus du toit en carbone, on remarque rapidement le pare-chocs avant avec deux lèvres en carbone, ainsi que, sur sa partie inférieure à gauche, une prise d’air ronde qui est directement reliée à l’admission. A l’arrière, le diffuseur affiche également son carbone et le coffre intègre un aileron dans le dessin de la carrosserie, évitant d’affubler cette ligne élégante et relativement discrète d’un spoiler « rajouté ». Je note encore les très belles jantes BBS Compétition, montées sur des pneumatiques Michelin Pilot Sport Cup semi-slick conçus pour la M3 CSL et exploités ensuite également sur les 911 GT3.

Les différences visibles par rapport à une M3 normales sont minimes, mais elles sont suffisantes pour rendre cette CSL largement plus désirable.

Dans l’habitacle, le carbone et l’alcantara s’affichent avec parcimonie, donnant à cet intérieur BMW une touche subtile de sportivité. Clairement, l’extravagance n’est pas de mise, on reste dans les standards de la production automobile allemande.

Dans le cadre de l’optimisation du poids, l’auto ne dispose pas de GPS, et aussi bien la climatisation que la radio ne faisaient pas partie de la configuration de base, mais étaient disponibles en option. Sinon, la planche de bord est similaire à celle d’une M3 normale.

Toutefois, on retrouve quelques spécificités, tels que les deux sièges baquets et les panneaux de portes en carbone. Cela nous rappelle que nous ne sommes pas à bord de la berline germanique de grand-papa et cela même si elle dispose de deux places arrière. Quelques petits détails ont dû être adaptés, comme par exemple la commande des rétroviseurs qui été déplacée sur la console centrale du fait des intérieurs de portes spécifiques.

Pour animer cette M3 CSL, on retrouve le légendaire 6 cylindres en ligne. Élément de référence de bon nombre de modèles BMW, il offre en plus une merveilleuse sonorité. S’il s’agit du même moteur que la M3 E46 normale, un 3.2 litres (3’246 cm3 pour être précis), il développe ici une puissance de 360 ch (343 ch pour la M3 normale) à 7’900 t/min pour un couple de 370 Nm à 4’900 t/min. Notre M3 CSL promet ainsi d’atteindre les 100 km/h en 4.9 secondes, soit 3 dixièmes de mieux qu’une M3 normale. Si là encore les différences ne sont pas énormes, à l’utilisation on appréciera une expérience plus vivante, j’y reviens dans un moment.

Alors que sur cette génération E46, les M3 sont disponibles en boite manuelle ou séquentielle, dans les deux cas à 6 rapports, c’est cette dernière exclusivement qui équipe les CSL. Cette transmission SMGII s’inspire de la Formule 1 et à l’époque c’était une des plus performante. Les temps de passage sont très courts (0,08 seconde avec le réglage le plus rapide) et chaque changement claque fermement, de quoi rendre l’opération très enivrante.

Si la gestion du moteur et de la transmission ont été revus pour cette CSL, c’est surtout l’immense boite à air, en carbone, qui fera toute la différence. Déjà lorsqu’on ouvre le capot moteur, impossible de la manquer ! Je n’ai jamais vu une telle pièce avec un clapet d’admission qui passe de 88 à 220 mm de diamètre ! Magnifique à regarder, mais encore plus à écouter lorsque ça s’ouvre en grand.

Il est temps de partir essayer cette M3 CSL et une fois installé dans le baquet, il est bon d’écouter les conseils de son propriétaire. Première subtilité, il faut passer la boite au point mort pour démarrer la voiture. Un détail, mais je suis resté comme un con pendant un instant, surtout que pour l’arrêter il faut bien s’assurer qu’une vitesse soit enclenchée.

Ça fait longtemps que je n’ai pas roulé une M3 E46, ça ne sera donc pas évident de véritablement constater les différences entre les deux autos, toutefois très rapidement je remarque un comportement plutôt affuté sur cette CSL. Les réglages châssis spécifiques, ainsi qu’une suspension légèrement revue confèrent à la voiture un attrait tout particulier pour avaler les courbes. Effet placebo ou pas, je ressens une certaine légèreté dans la manière avec laquelle notre CSL évolue sur les petites routes. De mémoire, je n’avais pas eu le même feeling avec une M3 normale, le comportement routier de cette CSL est assurément plus acéré.

Curieux de découvrir son fonctionnement, je laisse la boite en automatique, mais comme me l’avait mentionné le propriétaire, ça n’est clairement pas la meilleure solution. En effet, ça n’est pas limpide, bien au contraire, car ça fait des à-coups. Je bascule donc en gestion manuelle et je constate immédiatement que c’est nettement plus agréable. Il est également possible de choisir la rapidité de gestion des changements de rapports. Les différences sont faibles à mes yeux, même si dans le mode le plus rapide, ça procure des passages très directs, voir brutaux. Toujours en suivant les conseils de celui qui la connaît le mieux, j’opte pour le réglage intermédiaire et ça sera très bien pour cet essai.

Inconvénients d’une gestion manuelle, j’ai vite tendance à me prendre au jeu en montant et descendant les rapports au gré du tracé qui s’offre à moi, avec les sensations qui montent crescendo. Cela a pour effet immédiat de me faire augmenter le rythme, car les performances sont au rendez-vous.

Pour pousser encore un peu plus loin l’expérience, je bascule en mode Sport. La pédale d’accélérateur est plus réactive, mais surtout l’ouverture complète de la boite à air s’opère plus tôt, entre 1’600 et 3’300 t/min selon le rapport engagé, alors que normalement c’est entre 6’000 et 9’000 t/min. Du coup, la musique hurlante et stridente de la mécanique éveille encore plus mes sens, on a vite tendance à basculer du côté obscur en titillant les 8’000 t/min. Mais quel régal cette sonorité, c’est métallique à souhait, tel un moteur de course, j’adore !

Modèle quasiment « Collector » depuis son lancement, il va sans dire que cette M3 CSL (E46) ne va pas perdre de son aura de sitôt, surtout que l’année prochaine elle fêtera son 20ème anniversaire. Sans compter qu’il s’agit vraiment d’une voiture très intéressante à rouler avec une facilité d’utilisation digne d’un modèle récent, tout en procurant des sensations authentiques. Nous avons donc là tous les critères pour en faire une véritable légende à l’instar de son aïeul la 3.0 CSL.

Nos remerciements au propriétaire de cette très belle BMW M3 (E46) CSL pour la mise à disposition de sa voiture.