Texte : Sebastien MorandPhotos : Marc Chevallay, Sebastien Morand

Est-il nécessaire de vous présenter le Goodwood Revival ? Timeless Addict vous a déjà proposé un reportage en 2019 et nous avions prévu d’y retourner l’année suivante, ainsi que toutes celles qui suivent.

La pandémie en a décidé autrement, l’édition 2020 a été annulée et l’année dernière, il était encore compliqué de voyager, notamment en Angleterre.

Vous imaginez donc combien nous étions impatients de nous rendre sur les terres du Duc de Richmond les 16-17-18 septembre derniers. Certes, cette édition avait aussi un côté très particulier car La Reine nous quittait quelques jours avant, il y a donc bien évidemment eu des hommages et des moments très solennels, comme seuls les Anglais savent le faire.

Pour ceux qui n’auraient pas lu notre article sur le Goodwood Revival 2019, je vais brièvement vous rappeler le concept.

Depuis 1998, Charles Gordon-Lennox, le 11ème Duc de Richmond, organise un événement sans égal qui rassemble sur trois jours un panel incroyable de voitures, mais aussi de motos dont l’année de conception va jusqu’à 1966. C’est en effet à cette date que les compétions qui se déroulaient sur le circuit ont été stoppées. Ce dernier, d’une longueur de 3.809 km, ayant été créé en 1948 par le grand-père de l’actuel Duc.

Indépendamment des 15 courses, plus les essais, organisées dans le cadre du Revival, il y a tout un nombre d’activités qui se déroulent en parallèle et tout cela au rythme et dans le style de l’époque. Le plus marquant, c’est le « dress code », fortement recommandé par les organisateurs, et dont la grande majorité des gens, aussi bien participants que spectateurs, jouent le jeu.

On ne parle pas simplement de se déguiser, il y a vraiment un engouement pour être dans le thème des styles années 50/60, voire 70. Ça peut aller de l’élégante robe pour les dames, au costume en tweed pour les messieurs, en passant par une tenue liée à la course automobile, mais dans un esprit vintage. Le tout combiné à une chemise, un nœud papillon ou une cravate et un béret pour les hommes, et de splendides chapeaux pour les femmes.

Certains vont encore plus loin avec des tenues de militaires, de gendarmes, d’infirmières, etc. Clairement il n’y a aucune limite à vos envies, du moment qu’on est en adéquation avec les périodes mentionnées.

Malheureusement, et j’en parlais déjà en 2019, il commence à avoir de plus en plus de personnes qui n’appliquent pas ces codes vestimentaires fortement souhaités et c’est vraiment regrettable. A noter qu’ils sont facilement repérables car ils détonnent dans le paysage. Je pense que les organisateurs devraient obliger un certain style de vêtement, au moins pour accéder au cœur de la manifestation, le centre de la piste.

Pour en revenir aux courses, ce ne sont clairement pas des défilés pour amuser la galerie. Les pilotes n’hésitent pas à solliciter leurs montures, avec parfois un peu de casse. C’est le risque, mais globalement ça se déroule plutôt bien et le spectacle est garanti.

Je vais vous présenter rapidement chaque catégorie qui sont représentées dans cette édition 2022 du Revival. Bon, il faut bien admettre qu’il est très difficile de retranscrire l’émotion que nous vivons sur place. Il y a bien évidemment une sorte de voyage dans le temps, mais il y a aussi les musiques et les odeurs de ces belles mécaniques, c’est tout simplement phénoménal.

La « Race 01 », elle porte le nom du créateur du circuit, c’est le Freddie March Memorial Trophy. Cette course d’une heure, avec deux pilotes, regroupe un panel de voitures de sport des années 50, dans l’esprit de la compétition les 9 Heures de Goodwood qui s’est courue de 1952 à 1955. Parmi les autos les plus connues, on note les fabuleuses Jaguar Type C, mais aussi des Cooper-Jaguar ainsi que des Cooper-Climax, et des Frazer Nash. Il y a également des Aston Martin DB3S et quelques Ferrari, telles que deux 750 Monza. Quelques pilotes de renom, comme par exemple Emanuele Pirro, participaient en duo avec les propriétaires et on peut également mentionner la présence de notre compatriote Simona de Silvestro.

La « Race 02 », c’est la Madgwick Cup, composée à nouveau de voitures de sport, mais d’une cylindrée inférieure à 2 litres, qui ont couru entre 1948 et 1955. Probablement que les noms vous seront un peu moins familiers et encore, car on retrouve par exemple des Lotus IX et des Porsche, une 356 Speedster et une 550 Spyder. Il y a également des Maserati A6GCS.

La « Race 03 », qui est aussi la « Race 11 », se déroule donc à deux reprises, une fois le samedi et une fois le dimanche. Il s’agit du Barry Sheene Memorial Trophy et là, les passionnés de deux roues l’auront identifié immédiatement, on va parler de motos. Chaque course se fait avec deux pilotes et les moments des changements sont magiques à regarder, tout comme les départs à la façon 24 heures du Mans. Un des pilotes tient la moto et le second est positionné en face, de l’autre côté de la piste. Une fois le départ donné, le deuxième cours jusqu’à la moto, grimpe dessus et celui qui la tenait le pousse afin de faire démarrer l’engin, c’est magnifique. Les bécanes sont toutes des modèles qui ont fait des compétitions avant 1954, on y retrouve des Norton, des BMW, des Triton, des Vincent, des Triumph et j’en passe. A noter que cette année, la plus ancienne datait de 1928 !

La « Race 04 », le Glover Trophy, nous fait basculer dans le monde des monoplaces, avec des voitures de Grand Prix, jusqu’à 1.5 litres qui ont couru entre 1961 et 1965. Il y a principalement des Lotus, mais aussi quelques BRM et des Cooper. Pour cette édition, il y avait également une Ferrari 1512 et une Brabham-Climax BT7.

La « Race 05 », c’est le St Mary’s Trophy Part 1 qui se déroule le samedi après-midi. Vous l’aurez compris, il y a également le St Mary’s Trophy Part 2, qui est en fait la « Race 16 » qui elle a lieu en clôture le dimanche en fin de journée. Le plateau est identique pour les deux courses, il est composé de voitures de tourisme, les « Saloons Cars » comme on les appelle en Angleterre, qui participaient à des compétitions entre 1960 et 1966. Ça va des fameuses Mini Cooper au monstrueuses Ford Galaxie 500, en passant, cette année en particulier, par une ribambelle de Ford Cortina Lotus et d’Alfa Romeo Giulia Sprint GTA. Assez rare également, il y avait plusieurs BMW 1800 et, comme de coutume par contre, quelques Jaguar Mk2. La différence entre les deux courses, c’est que le samedi, les pilotes sont quasiment tous des grands noms du sport automobile, avec notamment Tom Kristensen (Monsieur Le Mans, avec 9 voitures à son palmarès), nos compatriotes Neel Jani et Marcel Fässler, Derek Bell, Romain Dumas, David Brabham, Karun Chandhok, Jimmie Johnson (7 titres en Nascar Sprint Cup Series, dont 5 à la suite entre 2006 et 2010), Darren Thurner, André Lotterer, etc. Au milieu de tout ce bon monde, une autre star et très grand amateur de belles mécaniques, Rowan Atkinson… plus connu sous le nom de son personnage de série TV, Mr Bean !

La « Race 06 », c’est le Goodwood Trophy et pour le coup on revient aux monoplaces, avec différents types dont la large période de compétition s’étale de 1930 à 1951. Nous sommes en Angleterre, il y a donc logiquement beaucoup d’ERA, mais aussi plusieurs Maserati 4CM et 6CM. Cette catégorie est vraiment impressionnante à regarder, les pilotes se battent littéralement avec leurs engins, c’est grandiose.

La « Race 07 », c’est le fleuron du Revival, il s’agit de la Whitsun Trophy. Pour l’agrémenter, tout type de voitures sport prototype jusqu’à 1966. La plus emblématique de toute, la mythique Ford GT40, dont 8 exemplaires sont présents. A cela viennent se greffer les très performantes Lola T70, ainsi que quelques McLaren. Ici ça roule vite et fort, les autos chantent de manière très affirmée. C’est une ambiance intense qui envahit le circuit lorsque les bolides rugissent à plein poumon sur la ligne droite des stands.

La « Race 08 », à nouveau une course d’une heure, avec donc deux pilotes, c’est le Stirling Moss Memorial Trophy. A mes yeux, une des plus belles, si ce n’est LA plus belle course du Revival. Au programme des GT fermées qui ont couru jusqu’en 1963. La simple évocation des autos présentes me donne la chair de poule… Ferrari 250 GT SWB, Aston Martin DB4 GT, AC Cobra, Jaguar Type E… voilà quatre mythes roulants qui font partie pour moi du must ultime en matière d’automobile. De surcroît, pour l’occasion, ces quatre légendes représentent 25 des 29 voitures présentes au départ ! Tout simplement époustouflant à admirer évoluer, à rythme très soutenu, à moins de 20 mètres du bord de la piste. Quelques grands noms viennent faire équipes avec les propriétaires, comme Jensen Button, Jochen Mass, Tiff Needell, Rob Huff et Dario Franchitti.

La « Race 09 », c’est la Chichester Cup, du nom du village qui jouxte le circuit. Les autos sont des Formule Junior, à savoir des monoplaces, avec moteur arrière et freins tambour, qui ont couru entre 1958 et 1962. Il y a des Cooper, des Lola, des Lotus, une De Tomaso-Fiat et j’en passe.

La « Race 10 », c’est le Richmond & Gordon Trophies qui regroupe des voitures de Grand Prix, donc des Formule 1, de 1954 à 1960. On y retrouve la très belle Maserati 250F, ainsi que majoritairement des Lotus et des Cooper. Il y avait aussi un modèle très particulier, la Lancia-Ferrari D50, avec de chaque côté du cockpit, entre les roues avant et arrière, des éléments qui abritent les réservoirs d’essence et d’huile, ainsi que les radiateurs d’huile.

La « Race 12 », autre épreuve exceptionnelle à mes yeux, la Royal Automobile Club TT Celebration, aussi connue sous le nom de RAC TT. Là encore, une course d’une heure, avec deux pilotes, qui fait référence à la course RAC TT qui s’est tenue en 1963 et 1964, avec des GT fermées, mais aussi des prototypes. On y retrouve quelques autos similaires à celles du plateau du Stirling Moss Memorial Trophy, des Jaguar Type E et des AC Cobra. En complément, quelques Corvette C2, deux Porsche 904 Carrera GTS, une sublime Ferrari 250 LM, ainsi que des autos bien connues du Revival, une Sunbeam Lister Tiger, une Lister-Jaguar et une magnifique TVR Griffith 400. Là aussi on retrouve des références derrière les volants, celles du St Mary Trophy Part 1 et du Stirling Moss Memorial Trophy, mais aussi Pedro de la Rosa, Marino Franchitti, etc.

La « Race 14 », c’est la Lavant Cup et cette année, elle se compose exclusivement de MG B, fabriquées avant 1966. Hyper sympa à regarder car les autos sont identiques ou presque, ça donne lieu à un magnifique spectacle avec quelques belles bagarres.

La « Race 16 », le Sussex Trophy, propose un plateau de voitures de courses et de production utilisées pour la compétition qui ont couru entre 1955 et 1960. On y retrouve beaucoup de Lotus-Climax, quelques Lister-Jaguar et des mythes telles que des Jaguar Type D et une Maserati Tipo 61, plus connue sous le nom « Birdcage ». Il y avait aussi une auto qu’on avait découvert pour la première fois en 2019, la reconstruction originale de la Cegga-Ferrari 250 TR, conçue à Aigle en 1960 par les frères Gachnang.

En complément de ces différentes courses dont je viens de vous parler, il y a également la « Race J40 ». Il s’agit de la Settrington Cup, qui est en fait une course de voiturettes à pédales, toutes des Austin J40. C’est donc une compétition pour les enfants, souvent les fils ou filles de pilotes participants aux autres catégories.

A cela vient également s’ajouter des parades, avec cette année trois thèmes. Il y a tout d’abord la célébration des 100 ans de l’Austin 7, avec pas moins de 150 voitures présentes qui se déclinent sous presque autant de versions différentes. Un très beau panel d’une auto hyper populaire.

Ensuite un hommage à Graham Hill et à sa carrière dans le sport automobile, dont son premier titre de Champion du Monde de Formule 1, il y a tout juste 60 ans, alors qu’il roulait pour le team BRM. Un joli panel de voitures sur lesquelles il a couru est représenté, avec plusieurs Formule 1, allant de 1957 à 1975, mais aussi une Ferrari 250 GTO/64, une Jaguar Type C, une Ford GT40, une Ferrari 250 LM, une Maserati T61 « Birdcage », une Rover-BRM Turbine, deux Ford Escort Mk1, etc. A cette occasion, son fils Damon Hill est de la partie, mais aussi celui sans qui le Revival ne serait pas tout à fait pareil, Sir Jackie Stewart. Nous l’avions rencontré à Fribourg l’année dernière lors des commémorations pour les 50 ans de la mort de Jo Siffert et c’est toujours un plaisir d’échanger quelques mots avec ce grand monsieur fort sympathique. A noter que ce n’est pas le seul, je mentionnerai aussi Jochen Mass et Derek Bell, qui ont toujours un moment à partager, agrémenté de quelques bonnes rigolades.

Dernière parade et pas des moindres, celle pour fêter le 75ème anniversaire de Ferrari. Le simple fait de mentionner ce nom suffit à représenter l’immensité du mythe. Probablement la marque automobile la plus connue au monde et la plus admirée, un morceau de l’histoire avec des voitures légendaires et des résultats en compétition tout aussi spectaculaires. Les images parleront mieux que des mots, mais en l’honneur du constructeur italien qui a vu le jour en 1947 sous la houlette du Commendatore, Monsieur Enzo Ferrari, ce n’est pas moins de 50 autos qui sont présentes pour cette parade. Certaines ont couru dans les courses mentionnées au préalable, d’autres sont présentes uniquement pour mettre en avant la marque au cheval cabré. Je ne vais pas lister tous les modèles, mais sachez qu’il y a notamment cinq 250 GTO (je sais que vous êtes en train de commencer l’addition) et dix 250 GT SWB, cette dernière étant pour moi le graal ultime. Vous pouvez facilement imaginer dans l’état que je suis à déambuler entre ces autos.

Vous l’aurez compris, je suis complètement sous le charme de cet événement automobile qui est selon moins le plus fabuleux au monde. Et comme si tout cela ne suffisait pas, nous avons aussi l’opportunité de faire un tour de piste en passager dans une Jaguar Mk2, légèrement coursifiée, conduite par un gentleman au coup de volant flegmatique mais engagé. Voilà un souvenir de plus qui aura agrémenté ces trois jours exceptionnels.

J’aurais encore un millier de petites choses à dire, mais c’est impossible de tout mentionner. Une chose est sure, le rendez-vous est déjà pris, ça se déroulera du 8 au 10 septembre 2023, nous serons à nouveau présents l’année prochaine.

Nos remerciements aux organisateurs du Goodwood Revival pour l’invitation à cette édition 2022 et pour leur accueil.