Texte : Thomas RougierPhotos : Thomas Rougier, D.R.

Après deux longues années d’attente, c’est rempli d’impatience que nous nous sommes à nouveau rendus au Mans Classic les 4, 5 et 6 juillet pour assister à la 12ème édition de ce qui est devenu l’autre « Classique mancelle ».

Il faut dire que la manifestation vise juste par définition car aller au Mans Classic, c’est vivre l’expérience inimitable du Mans mais pas seulement. Cette expérience est doublée de la saveur particulière des autos de course d’un temps où le bruit, ou plutôt devrais-je écrire la « musique » des moteurs faisait partie du paysage.

Cette expérience est aussi un inévitable élan à la nostalgie. Quelle que soit notre génération, comment rester stoïque devant les voitures de course qui nous ont fait rêver enfant ? On a beau l’avoir « déjà fait », la recette est toujours aussi efficace.

Je ne suis de toute évidence pas le seul à le penser puisque cette année, ce sont plus de 238’000 spectateurs qui ont fait le déplacement, en légère augmentation par rapport à l’édition de 2023.

238’000 personnes autour d’un même circuit, ça fait beaucoup de monde. La gestion de la circulation et de la restauration sont des enjeux majeurs et on note, d’édition en édition, une progression continue sur ces deux points.

La restauration propose une offre plus fournie, plus variée et clairement plus qualitative. Pour la circulation également, la création de nombreuses passerelles permet de gérer les flux et raccourcir les temps de trajet. C’est important quand la superficie du circuit est aussi vaste.

A notre arrivée sur site le vendredi, nous commençons par un faire un tour général des paddocks. Notre parking étant situé du côté de Maison Blanche (vers les chicanes du raccordement), nous remontons par les paddocks des modernes avant d’aller vers le bâtiment des stands où sont concentrées les historiques.

Ceci nous permet d’aller nous positionner rapidement dans la tribune des stands pour un moment magique alors que le soleil commence à décliner sur le plateau des Groupe C.

Puis vient la nuit. Et c’est là que Le Mans devient véritablement Le Mans. Cette année, j’ai le privilège d’être invité dans la pitlane pour les sessions nocturnes du vendredi. Un moment dont je me souviendrai longtemps. J’y retournerai le samedi soir avec le même bonheur mais avant cela, nous partons à pied le long du circuit pour observer les courses à différents endroits. Le Tertre Rouge est par exemple un passage que j’apprécie particulièrement.

Pour en revenir aux plateaux, cette année encore, ils sont merveilleux. Ce ne sont pas moins de 800 voitures – oui, 800, vous avez bien lu – qui s’affrontent en piste et sans ménagement.

Les six plateaux, toujours découpés selon périodes temporelles, regorgent évidement de trésors. Le mot n’a ici rien de galvaudé. Inutile de vous faire l’inventaire bien trop fastidieux de chaque voiture présente mais déambuler de paddock en paddock, pouvoir approcher d’aussi près des Bugatti, Alfa-Romeo 8C ou Bentley Blower du Plateau 1 (1923 à 1939) avant de les observer en découdre sur le tracé exigeant des 24h est un véritable privilège. Il en va de même pour le plateau 2 de l’après-guerre (1945-1956) où Jaguar Type C, Mercedes 300SL et Ferrari 750 démontrent une progression de performance notable.

C’est aussi le cas pour le plateau 3 (1957-1961). Je reste grand fan de la Ferrari 250 GT SWB, des Aston-Martin DB4 GT ainsi que des Austin Healey ou Lotus Elite. Mais comment ne pas s’arrêter pour admirer l’extraordinaire Maserati Tipo 61 « Birdcage » ou la Ferrari 250 « Breadvan » ?

J’ai la chance de suivre de près deux teams inscrits dans ce plateau : l’un sur Lotus 15, l’autre sur Alfa-Romeo Giulietta SZ Coda Tronca. Que les teams ou pilotes soient amateurs ou professionnels, tous sont pris pas l’enjeu et l’envie de faire un résultat en prenant un maximum de plaisir. Je tiens ici à mentionner Horacio Fitz-Simon, jeune pilote professionnel que je suis depuis plusieurs années maintenant et qui roule ici sur la Lotus 15. Son immense talent, éclatant sur la piste copieusement mouillée du dimanche, n’a d’égal que sa gentillesse. Un nom à noter pour s’en souvenir dans les années futures, que ce soit en course historique ou moderne !

Viennent ensuite les plateaux 4 (1962 à 1965) et 5 (fin des années 60), avec un autre step en performances. Ce sont ici les Ford GT 40, Lola T70, Porsche 906, 910 ou 917, Ferrari 250LM, 312P ou 512M. Sans doute un âge d’or du sport automobile, avec les autos qui me touchent le plus.

Les lignes sont splendides, je pourrais passer des heures à tourner autour d’une GT40. Les sons des moteurs sont incroyables. Dans le paddock, on vibre avec le sol mais cela devient vraiment magique de les observer et les écouter en piste lorsque change la densité de l’air alors que la nuit. Et puis, ça roule vraiment vite. En qualification, les GT40 parcourent un tour entre 4:30 et 4:40, la 512M en 4:08. Pour référence, les meilleures Hypercars modernes tournaient en 3:27 cette année.

Pour ne rien gâcher, la lutte est intense ! A l’issue de la première course du plateau 4, les deux GT40 de tête ne sont séparées que par 4 dixièmes de seconde ! Même chose à l’arrivée de la deuxième course du plateau 5 entre la 312P emmenée par l’excellent Frank Stippler et la Lola T70 du suisse Marcel Fassler, ancien vainqueur des 24h, excusez du peu.

Bien évidemment, je n’oublie pas le plateau 6 (1972 à 1981) et ses BMW M1 à la musique toujours aussi merveilleuse, ses Porsche 3.0 RS, 934 ou 935 et bien entendu, son important contingent de barquettes ultra performantes.

Autre souvenir mémorable avec le plateau Groupe C des années 80/90 et notamment la Peugeot 905, dont le V10 me laisse un souvenir ému. Enfin et comme il y a deux ans, j’ai eu un gros coup de cœur pour le plateau Endurance Racing Legends (2000 à 2010) où se mélangent à nouveau LMP1 (Pescarolo, Dome, Audi R8, Bentley Speed 8…) et GT (Maserati MC12, Aston Martin DB9 et autres Porsche 996 RSR ou Turbo…).

Là encore, le rythme est très élevé (3:41 pour la Dome en pole position !) et la bataille intense. Du reste, les accidents ou pannes mécaniques qui ont frappé chaque plateau soulignent l’engagement des pilotes, d’autant plus méritants sous la pluie intense qui a marqué les courses du dimanche.

Au-delà de l’aspect sportif et pour parfaire l’ambiance inimitable du Mans Classic, il faut se promener dans les parkings. Les clubs viennent en masse et on peut admirer plusieurs centaines de Porsche de toutes les époques, un gros contingent d’Aston Martin, des Morgan, des Ferrari ou Lamborghini bien entendu mais aussi de supercars plus exotiques. On peut ainsi facilement passer plusieurs heures à y déambuler avant d’aller se restaurer.

Bien entendu, comme c’est l’usage, orchestres, personnel en costume des années 50 et navettes de VW Combi, de 2CV ou de Jeep Willis concourent à créer cette atmosphère inimitable et agréable malgré le monde présent dans le village du circuit.

Atmosphère que l’on retrouve également aux abords du circuit. Il faut aller faire un tour à Arnage à la nuit tombée pour comprendre la ferveur populaire incroyable qui s’y concentre dans la rue principale.

Je mentionne encore la programmation musicale de l’événement. Kavinsky vendredi soir, Cerrone samedi soir, c’était de très haut niveau. De quoi justifier de délaisser la piste et les paddocks pour un moment.

Je vous le disais en préambule, il s’agissait cette année de la 12ème édition du Mans Classic. La première édition a donc eu lieu en 2002, il y a déjà 23 ans. Or depuis là, il y a 20 années de plus de voitures dites « classiques » et autant de plateaux supplémentaires à intégrer dans des journées qui ne peuvent faire plus de 24 heures.

La solution trouvée et mise en place par Peter Auto et l’ACO, les organisateurs de l’événement, est d’organiser l’épreuve à une fréquence annuelle dès 2026. Alternativement, une année sera consacrée au Mans Classic « Legend » (1975 à 2015) et la suivante au Mans Classic « Heritage » (1923 à 1975).

C’est l’édition « Legend » qui ouvrira le bal en 2026, avec deux nouveaux plateaux couvrant les prototypes et les GT des années 2010. Le feulement strident des 991 RSR sera donc de retour dans la Sarthe ! On se réjouit d’avance et rendez-vous est donc pris pour l’année prochaine, du 2 au 5 juillet 2026 !

Nos remerciements à Peter Auto et l’ACO, les organisateurs du Mans Classic, pour l’invitation à cette édition 2025 et pour leur accueil.