Texte : Sebastien MorandPhotos : Claude-Alain Ferrière, Sebastien Morand

Relativement moderne, me diront certains, mais cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas intemporelle. En tout cas pas à mes yeux. De plus, elle n’est pas pour autant moins intéressante car cette Mercedes se veut radicalement singulière, justifiant totalement son passage sur Timeless Addict.

En effet, ce n’est pas n’importe quelle Mercedes, il s’agit de la très exclusive SL 65 AMG Black Series que nous essayons aujourd’hui.

Basée sur la cinquième génération de SL, nom de code R230 (2001 à 2011) pour les spécialistes, cette allemande au look ravageur et au tempérament déjanté, vous allez vite comprendre, a de quoi ameuter les foules.

Il suffit simplement de la regarder pour déjà s’apercevoir qu’on est loin de la bonne vieille Mercedes de grand-papa. On serait plus à se demander si on n’a pas devant nous une voiture du DTM (championnat allemand de voitures de tourisme) tant le style est aguicheur. Et encore, le mot est faible !

Personnellement je me demande quelle autre auto homologuée route dégage autant de bestialité simplement quand on la regarde. Une F40 bien évidemment, mais avant tout car le mythe est connu de tous. Alors que là, on constate que c’est une Mercedes, grise en plus, et qu’elle a apparemment un peu (beaucoup) abusé d’anabolisants, mais on ne sait pas trop quoi penser d’autre. Patience, je vous explique.

Donc pour rappel, une SL de cette époque, c’est un cabriolet disposant d’un toit dur rétractable. Je dirais encore que, pour moi, elle s’adresse avant tout à une clientèle relativement aisée, d’un âge plutôt avancé et dont le but premier est d’avaler des kilomètres en toute quiétude. Oui, ça fait cliché, mais avouez que vous pensez la même chose et que j’aurais pu être bien plus piquant dans la description du propriétaire type.

Pour celle qui nous intéresse aujourd’hui, je peux également préciser qu’il s’agit de la SL type R230 qui a bénéficié du facelift en 2008. Pour cette génération, les différentes déclinaisons proposent un large panel allant de la SL 280 (V6 3.0l 231ch) à la SL 600 (V12 5.5l biturbo 517ch), avec en plus les versions AMG que sont la SL 63 (V8 6.2l 525ch) et la SL 65 (V12 6.0l biturbo 612ch). Pas de doute, il y en a pour tous les goûts et presque toutes les bourses, avec quand même de quoi décoiffer votre passager ou passagère.

La marque à l’étoile aurait pu s’arrêter là et personne n’aurait rien dit. Toutefois, sous la houlette du département AMG Performance Studio, qui à cette période était notamment en charge de concevoir les véhicules officiels, Safety Car et Medical Car, pour la Formule 1, elle a décidé d’aller plus loin.

En effet, après avoir inauguré le label Black Series en 2006 sur la SLK 55 AMG, puis la CLK 63 en 2007, il fallait, en 2008, marquer le coup du restylage d’un modèle phare telle que la SL. Vous l’aurez compris, l’appellation Black Series, c’est le Saint Graal, l’ultime traitement, la crème de la crème, des Mercedes badgées AMG et pour l’occasion, les hommes d’Affalterbach n’y sont pas aller de main morte.

Partant de la SL 65 AMG, les ingénieurs ont travaillé sur plusieurs tableaux afin d’aboutir à la SL 65 AMG Black Series qui nous intéresse ici.

Pour commencer, le moteur V12 6.0 (5’980 cm3) se voit greffer deux nouveaux turbos dont la section est 12% plus grande. Toute leur conception est plus poussée avec aussi des améliorations sur le refroidissement du cœur de la bête et un tas d’autres choses spécifiques à cette itération Black Series.

Résultat, la puissance passe de 612 à 670 ch, à 5’400 t/min, alors que le couple maximum reste le même, à savoir 1’000 Nm, disponible entre 2’200 et 4’200 t/min, tout cela sur les roues arrière exclusivement !

La fiche technique précise que le couple est limité électroniquement et que, sans cela, il atteindrait 1’200 Nm. Mais apparemment ça n’aurait pas été raisonnable de faire supporter cela à la boite automatique 5 rapports. Cette dernière a également été revue et dispose de quatre modes, « C », « S », « M1 » et « M2 ». Cet ultime nouveau mode se veut 20% plus rapide que le mode M1.

Sans surprise, les performances sont au rendez-vous avec une vitesse de pointe, limitée également, de 320 km/h. Le 0-100 km/h est abattu en 3.8 secondes, alors qu’il ne faut que 11 secondes pour atteindre les 200 km/h. En 2008, cette SL 65 AMG Black Series est tout simplement la Mercedes de route la plus puissante.

Ensuite, les différentes équipes ont fait subir une cure d’amaigrissement à l’auto. Tout d’abord, plusieurs composants de la carrosserie, comme par exemple le capot moteur ou le couvercle de coffre, sont en polymère renforcé de fibres de carbone (CFRP).

De plus, si vous ne l’aviez pas encore remarqué, le fameux toit dur rétractable a été remplacé par un élément fixe, lui aussi en CFRP, qui intègre un arceau. Fini le plaisir de rouler cheveux au vent, mais c’est pour la bonne cause. Ainsi, sur la balance, notre super SL 65 AMG annonce dorénavant un poids de 1’870 kg, soit un gain de 250 kg par rapport au modèle « normal ». Le ratio poids/puissance est maintenant de 2.79 kg/ch.

On peut encore mentionner que les suspensions et le châssis ont été retravaillés sur la base des expériences faites dans le sport automobile. Les voies ont été élargies, 115 mm pour l’essieu avant et 103 mm pour l’essieu arrière. En matière de pneumatique, à l’avant c’est du 265/35 en 19 pouces, alors qu’à l’arrière c’est du 325/30 en 20 pouces, pour respectivement des jantes de 9.5 et 11.5 pouces. Comme si cela ne suffisait pas, les freins ont aussi été améliorés, 6 pistons à l’avant pour des disques de 390 x 36 mm et 4 pistons à l’arrière pour des disques de 360 x 26 mm.

Dernier détail, et pas des moindres, notre SL 65 AMG Black Series dispose d’un aileron arrière amovible qui se déploie de 12 cm lorsqu’on dépasse les 120 km/h, permettant d’augmenter l’appui de 50 kg à 200 km/h.

Il fallait bien tout cela pour encaisser la cavalerie à disposition.

Comme je le disais au début de mon article, difficile de pas remarquer les différences au niveau du design extérieur entre une simple SL et notre Black Series.

Le bouclier avant hyper agressif avec sa lame en carbone, les prises d’air ainsi que les ouvertures pour le refroidissement ici et là, le capot moteur nervuré, les ailes hallucinament larges, le diffuseur arrière en carbone, vraiment tout a été fait pour donner à cette SL 65 AMG Black Series un look diabolique.

Pourtant pas adepte du style « tape à l’œil », j’avoue que je suis complètement fan de cette allemande dévergondée. J’ai même défini qu’il fallait déployer manuellement le spoiler de coffre en tout temps pour parfaire cette image de voiture de course sur la route, à l’instar d’une 911 GT3 RS. Oui, je conçois que c’est « too much ». Et alors ? Vous croyez franchement que sans cela, et parce qu’elle est grise, les gens ne vont pas la remarquer ? C’est impossible ! Même un malvoyant se retournerait sur cet engin, tant il est extravagant. D’autant plus dans le monde automobile actuel qui voit fleurir des voitures qui se ressemblent toutes et pour la plupart sans arborer un réel caractère.

Indépendamment de sa robe un tantinet provocatrice, il fallait bien évidemment proposer un habitacle à la hauteur du tempérament. Toutefois, à mes yeux, c’est quand même moins radical que l’extérieur, austérité germanique oblige.

Reste que l’utilisation de cuir Nappa, mais surtout d’Alcantara et de carbone, confèrent à l’ensemble juste ce qu’il faut de sportivité. La couleur noire est majoritaire, mais je note quand même un peu de gris sur les assises.

En fait, ce sont surtout les baquets conçus eux aussi en polymère renforcé de fibres de carbone (CFRP) qui donnent le ton. Leur maintien est excellent, mais c’est leur dureté qui me frappe particulièrement. Un certain Jeremy Clarkson n’hésite pas à les comparer à un tas de cailloux lors de son essai de cette même SL 65 AMG Black Series. Ma foi, il faut bien aller au bout du délire de l’esprit voiture de course.

Ce n’est pas tout ça, mais avec tout ce déballage de caractéristiques sportives, pour ne pas dire excessives, il est temps de voir comment se comporte cette Mercedes.

Premier constat : une fois la mécanique en marche, la sonorité du moteur est relativement feutrée. Je m’attendais à bien plus de vocalises, je suis presque un peu déçu. La noblesse du V12 prime, c’est moelleux tout en ronronnant savoureusement. Dans un sens, la voiture se fait déjà tellement remarquer par son design que c’est peut-être mieux qu’elle n’hurle pas à la mort à la moindre sollicitation de l’accélérateur.

Dès les premiers kilomètres, je remarque, et je subis, immédiatement la dureté de la caisse. Entre le siège et la suspension, c’est vraiment ferme de chez ferme. Je pense que je n’ai jamais conduit une auto aussi dure. A en croire notre photographe, ancien pilote, c’est comme une bagnole de course. Sur piste ça doit sûrement être très sympa, mais sur la route, ça secoue sérieusement, notamment lorsqu’on sort des grands axes. Enfin bon, je préfère largement que ça soit plus ferme que pas assez, donc je ne vais pas me plaindre. Et au bout d’un moment je m’habitue, sans compter que ça vient parfaire l’ambiance racing.

Raisonnable de nature, j’adopte tout d’abord un rythme tranquille. La souplesse du moteur fait merveille et cette SL 65 AMG Black Series se conduit en douceur. Malgré les années, l’agrément est vraiment bon, démontrant toute la rigueur qu’apporte le constructeur a ses créations avec, de surcroît, une finition à la hauteur du rang de l’auto.

Maintenant que je suis sur un tracé moins fréquenté, je suis plus généreux avec la pédale des gaz et c’est le rappel à l’ordre direct. L’arrière-train se dandine immédiatement et le témoin d’ESP s’allume au tableau de bord. C’est clair qu’en cette période plutôt fraîche du début du mois de mars, autant de chevaux sur les roues arrière, de plus avec des pneus été pas tout jeunes, ça ne pardonne pas.

Je vais donc y aller progressivement et prudemment, mais même ainsi les sensations sont au rendez-vous. Il n’y pas à dire, notre allemande affirme son tempérament et ça me plait énormément. Je me marre tout seul à force d’avaler les virages, tant c’est amusant et plutôt rassurant du moment qu’on laisse les assistances électroniques actives. N’étant pas pilote et au vu des réactions, je n’essaye même pas de débrancher l’ESP, ça ne serait vraiment pas rationnel. Malgré cela, je n’ose pas accélérer à fond sur les premiers rapports, tant la réaction est directe et brutale.

En plongeant d’une courbe à l’autre, je constate l’excellente précision du train avant. C’est incisif tel un scalpel, quel régal ! J’en viens à penser à quel point cette SL serait géniale à piloter sur un circuit comme le Castellet. Certes, une Mercedes reste une Mercedes, le comportement n’est pas comparable à celui d’une Porsche ou d’une Ferrari de la même époque. Cependant, les ingénieurs n’ont pas fait le travail à moitié et cette SL 65 AMG Black Series offre vraiment un feeling de conduite très intéressant, pour ne pas dire envoûtant.

En tout point de vue irraisonnable, pas du tout politiquement correct dans la période actuelle et probablement encore moins à l’avenir, sans aucune utilité évidente, cette Mercedes-Benz SL 65 AMG Black Series est donc parfaitement indispensable ! Au diable les principes, ce n’est pas une auto qui sera exploitée au quotidien, elle a donc toute sa place au firmament de l’automobile plaisir.

Vous l’imaginez bien, l’objet est plutôt rare, seulement 350 exemplaires produits, et cela se reflète sur la cote actuelle. A titre d’information, à l’époque, il fallait quand même débourser 327’250.- euros (inclus 19% TVA) pour acquérir la démoniaque allemande. Si ça vous intéresse, la voiture de notre essai est disponible à la vente.

Nos remerciements à Klausen Cars à Gland pour la mise à disposition de cette rare et exclusive Mercedes-Benz SL 65 AMG Black Series.