Texte : Sebastien MorandPhotos : Claude-Alain Ferrière

Alfa Romeo est une marque qui a bien évidemment sa place au sein de Timeless Addict, tant la production du constructeur italien regorge de merveilles. Le simple fait d’évoquer ce nom fait briller les yeux des passionné(e)s car bon nombre des voitures badgées du « Biscione » (le serpent des Visconti) vont de pair avec la passion automobile et le plaisir de conduire.

Toutefois, je suis convaincu que la SZ qui nous intéresse aujourd’hui n’est pas le premier modèle qui vous serait venu à l’esprit. Par contre, en matière d’originalité, difficile de faire mieux je trouve.

Une chose est sûre, cette Alfa Romeo SZ ne laisse pas indifférent. Certes, la plupart des commentaires ne sont pas très élogieux, notamment à propos de son design.

Néanmoins, pour certains, comme moi, qui étions adolescents lors de sa présentation en 1989, nous sommes plus nostalgiques et donc plus tolérants, car elle nous faisait rêver à l’époque et potentiellement encore maintenant.

En tout cas, en ce qui me concerne, c’est le cas et en réalisant ce reportage, je concrétise un fantasme d’ado.

Aussi connue sous le nom de code « ES30 », pour « Experimental Sportscar 3.0 litres », la SZ est basée sur une Alfa 75 dont elle reprend le châssis et la motorisation V6, le fameux « Busso », qui équipait la déclinaison 3.0i Quadrifoglio Verde. A noter que la SZ perd un peu moins de 30 cm en longueur par rapport à la 75, promettant un bon comportement routier, mais j’y reviens dans un moment.

Ah oui, j’aurais peut-être dû commencer par-là, SZ signifie Sprint Zagato, deux patronymes qui sont bien connus des amateurs de belles mécaniques et d’Alfa en particulier. Par le simple fait que le nom du prestigieux carrossier italien soit mis en relation avec cette SZ, on pourrait croire que c’est l’une de ses créations.

Pas tout à fait dans l’absolu, car au final, Zagato s’est chargé avant tout de la production de la voiture au sein de ses ateliers. C’est seulement 1’036 exemplaires, tous rouge, qui furent construits entre 1989 et 1991.

Pour ce qui est du dessin, le constructeur milanais avait lancé un d’appel d’offre auprès de la Carrozzeria Zagato, du Centro Stile Alfa Romeo et du Centro Stile Fiat. C’est ce dernier, à l’époque dirigé par le français Robert Opron, aussi à l’origine de la mythique Citroën SM dont nous espérons pouvoir vous proposer un reportage prochainement, qui remporte l’étude. Certaines informations laissent entendre que les trois concurrents ont quand même collaboré, difficile à dire jusqu’à quel point, mais je trouve qu’il y a quand même l’esprit Zagato dans cette SZ.

Le look de cette Alfa SZ, voilà un sujet qui divise. Objectivement, il est difficile de pouvoir affirmer qu’elle est belle. D’ailleurs, peu après son lancement, elle s’est vu attribuer le surnom « Il Mostro », le monstre en italien.

Pourtant, personnellement, je trouve qu’elle a du charme, tant elle ne ressemble à rien d’autre. J’ai probablement aussi un attachement tout particulier car juste après sa présentation au Salon de l’Automobile de Genève en 1989, j’ai eu la chance d’en admirer une régulièrement dans la cour de l’immeuble où j’habitais. En effet, un agent Alfa reconnu de la place de Genève résidait au même endroit et venait souvent avec l’auto.

Reste qu’aujourd’hui je suis toujours autant séduit et tout au long de ces deux jours passés en sa compagnie, je ne me lasse pas de l’admirer. Bon, j’avoue que lorsqu’on s’attarde sur les détails, ça devient quelque peu risible. La finition et la qualité d’assemblage confirment le côté artisanal et, en regard du prix neuf, plus de CHF 100’000.- à l‘époque, c’est quand même très limite. En fait, cette Alfa Romeo SZ ressemble plus à un prototype qui a été commercialisé en petite série qu’à une véritable voiture.

La carrosserie est en matériaux composite et, pour reprendre l’expression de notre photographe, son apparence générale s’approche de celle d’une boite de chaussures. A noter quand même que notre italienne annonce un Cx de 0.30, une valeur plutôt intéressante au vu de son look.

Pour ma part, j’aime d’abord l’avant, une véritable gueule avec un regard perçant composé de six petits phares carrés. En l’observant de face, avec un bouclier collé au sol et un capot nervuré sans pour autant qu’il dispose de véritables aérations, cette SZ dégage une prestance indéniable.

En passant sur le côté, on a l’impression que la voiture a été réduite, tant son empattement est court. Avec une ceinture de caisse assez haute, surtout pour l’époque, en comparaison de la ligne de toit basse et fuyante, ça donne un résultat particulier, mais que j’apprécie. Peut-être pas véritablement sportif, mais suffisamment athlétique pour lui conférer assez de caractère.

L’imposante vitre arrière bombée se voit greffer un aileron en fibre de carbone qui sépare bien le dessin de l’arrière hyper carré et très massif. Pour le coup, cette poupe taillée à la serpe est bien moins aguicheuse et difficile de prétendre qu’il y a eu un véritable travail de designer. Les plus convaincus affirment que ça fait référence à la très belle Giulia TZ et son fameux « coda tronca », c’est à dire arrière tronqué. J’ai un peu de peine à rallier cette cause, même si je suis fan de cette SZ.

A l’intérieur, c’est un brin plus élégant, avec des sièges baquets offrant un maintien correct tout en étant plutôt cossus avec leur habillage en cuir Connolly beige. Si je trouve la présentation générale assez réussie, la qualité de finition est clairement en adéquation avec la robe extérieure. Ne vous attendez vraiment pas à la perfection, c’est là encore de l’artisanat, mais ça fait partie du charme.

Stricte deux places, et avec ce qui s’appelle normalement un coffre totalement occupé par la roue de secours, elle propose un espace plutôt généreux derrière les assises dont il faudra profiter pour mettre vos bagages. Ça tombe bien, il y a même des lanières pour les attacher.

Pour ce qui est de la position de conduite, il faut aimer conduire éloigner du volant avec les jambes bien tendues, surtout si vous faite plus de 1m80. Sans quoi, à l’instar d’une Ferrari 308, votre tête viendra s’appuyer sur les pares soleil. Mais bon, c’est ainsi qu’on s’installe dans une sportive, on ne va donc pas se plaindre.

Coup de cœur pour la planche de bord, avec les compteurs Veglia Borletti et tous les petits manomètres, c’est vraiment dans l’esprit des belles italiennes d’antan.

Comme je le disais au début de mon article, pour mouvoir cette SZ, Alfa Romeo a utilisé le magnifique V6 « Busso » 2’959 cm3. Pour l’occasion, après un traitement spécifique par Corsa Auto Delta, il développe 209 ch à 6’200 t/min pour un couple de 245 Nm à 4’500 t/min, sur les roues arrière exclusivement. Sa sonorité légendaire ronronne à merveille, mais j’aurais aimé des vocalises plus perçantes. Presque un peu trop doux comme musique en regard du look endiablé de l’auto.

La motorisation se veut également très lisse, il ne faut pas hésiter à monter les tours pour en obtenir la quintessence. C’est vraiment au-dessus de 3’500 t/min qu’il se révèle, sans pour autant être un véritable foudre de guerre. D’autant plus que la SZ n’est pas vraiment légère avec un poids annoncé à presque 1.3 tonnes. Bon, j’avoue qu’on est mal habitué de nos jours car la moindre berline compacte, généralement affublée d’un moteur suralimenté, développe autant de chevaux.

Après quelques centaines de kilomètres, j’ai appris à découvrir le tempérament du V6 et je fais en sorte de rester dans les bons régimes pour obtenir suffisamment de dynamisme.

Cette SZ est facile à prendre en mains et je constate rapidement, pour mon plus grand plaisir, l’excellente réactivité de sa direction. Grâce notamment à son gabarit court, la moindre action sur le volant se perçoit immédiatement dans le train avant, faisant plonger l’auto dans les courbes avec, de surcroît, une précision relativement bonne.

En fait, une grande partie des organes mécaniques, comme par exemple les suspensions, mais aussi les freins, viennent de la 75 Turbo Evoluzione de compétition. On est donc loin de la 75 normale, le comportement routier de cette SZ se veut radicalement plus affûté, sans toutefois être trop typé pour la course.

La rondeur du V6 vient pondérer l’ensemble, il est parfaitement possible d’avaler les kilomètres sur autoroute, mais c’est quand même sur les petites routes que la SZ distille les meilleures sensations.

Avec un amortissement relativement ferme et cet excellent feeling de direction, j’attaque les virages à bon rythme. Un ami qui a eu la chance de rouler beaucoup avec une SZ à l’époque, m’a quand même mis en garde. Si la voiture semble rivée à l’asphalte, il est préférable de ne pas atteindre la limite, car là elle décroche de manière très franche. De nature raisonnable, je ne tente pas l’expérience.

Notons encore qu’après la production de la SZ, Alfa Romeo a décliné « Il Mostro » en version cabriolet. Pour l’occasion, son nom est devenu RZ, pour Roadster Zagato. Encore plus rare car fabriquée à seulement 278 unités, je trouve que la déclinaison découvrable perd de son sex-appeal en comparaison du coupé.

En 1993, en ouverture des GP de Formule 1, il y a même eu des courses avec quelques autos, 13 apparemment, légèrement modifiées (arceau, jantes légères, pneus racing), la SZ Trophy.

Ces deux modèles, SZ et RZ, sonnent la fin des propulsions chez Alfa Romeo. Il faudra attendre 2008, avec la commercialisation de la démoniaque 8C Competizione, dont nous espérons également pouvoir vous proposer un essai, pour que le constructeur milanais y goûte à nouveau, pour notre plus grand plaisir.

Clairement l’Alfa Romeo SZ a marqué les esprits lors de sa présentation en 1989. Elle continue de le faire aujourd’hui et ça sera sûrement le cas pour longtemps encore, même pour toujours probablement. Une auto fondamentalement intemporelle.

Les différentes réactions pendant mon essai confirment l’effet de cette voiture sur les gens, qu’ils s’intéressent ou non à l’automobile, et qu’ils aiment ou non cette SZ. J’avais envie de mentionner le commentaire le plus marquant, celui du photographe Thomas de Saulieu, une référence dans le monde de l’automobile classique. En voyant mes photos de la SZ sur les réseaux sociaux, il m’a demandé si c’était bien de se taper une star du porno ?!

Tellement juste comme remarque, cette Alfa Romeo SZ est un brin vulgaire, totalement décadente et véritablement atypique. Du coup, elle est complètement désirable dans le sens charnel du terme. Vous ne l’aimez pas ? Qu’importe, moi j’adore !

Nos remerciements à Drive Vintage pour la mise à disposition de cette iconique Alfa Romeo SZ, ainsi qu’au garage GSG Racing Concept pour son soutien logistique.